Les perspectives mondiales se dégradent de plus en plus. Le renforcement sensible des barrières commerciales, le durcissement des conditions financières, la dégradation de la confiance des entreprises et des consommateurs ainsi que l’accentuation de l’incertitude liée à l’action publique auront tous des effets négatifs marqués sur les perspectives de croissance s’ils perdurent. La hausse des coûts des échanges, en particulier dans les pays qui augmentent leurs droits de douane, fera également monter l’inflation, même si l’effet de cette hausse sera compensé en partie par le fléchissement des prix des matières premières. La croissance du PIB mondial devrait diminuer de 3.3 % en 2024 à 2.9 % cette année et en 2026 (tableau 1.1), dans l’hypothèse technique où les taux des droits de douane resteraient à leur niveau de la mi-mai malgré les difficultés juridiques rencontrées actuellement Ce ralentissement serait concentré aux États-Unis, au Canada et au Mexique tandis que la Chine et les autres économies devraient connaître des ajustements à la baisse plus limités. La croissance économique devrait être particulièrement faible jusqu’à la fin de 2025, la production mondiale n’augmentant que d’un peu plus de 2½ pour cent en glissement annuel au quatrième trimestre, et de 1.1 % seulement aux États‑Unis. La croissance du commerce mondial va probablement ralentir nettement au cours des deux prochaines années, après une accélération en anticipation des hausses de droits de douane attendues, et l’incertitude devrait freiner l’investissement des entreprises. L’assouplissement de la politique budgétaire soutiendra l’activité dans quelques économies, notamment en Chine et en Allemagne, où l’augmentation des dépenses de défense et d’infrastructures en 2026 pourrait se traduire par un net redressement économique, mais l’orientation de la politique budgétaire sera sans doute légèrement restrictive dans de nombreux autres pays. Dans les économies du Groupe des Vingt (G20) considérées dans leur ensemble, l’inflation globale annuelle devrait diminuer de 6.2 % à 3.6 % en 2025 puis à 3.2 % en 2026, mais les États‑Unis constituent une exception notable à cet égard, sachant que l’inflation annuelle devrait augmenter jusqu’à presque 4 % d’ici à la fin de 2025 et rester supérieure à l’objectif visé en 2026.
Des risques importants entourent ces projections, l’ampleur et la durée de la phase attendue de fléchissement de l’activité demeurant très incertaines. De nouvelles initiatives renforçant ou modifiant rapidement les barrières commerciales, notamment des mesures de rétorsion, ainsi que l’adoption d’un comportement plus prudent par les consommateurs et les entreprises, ou la poursuite de la réévaluation des risques sur les marchés financiers sont autant de facteurs qui pourraient accentuer le ralentissement de la croissance et provoquer d’importantes perturbations des chaînes d’approvisionnement internationales étroitement imbriquées. Une hausse des anticipations d’inflation des ménages pourrait prolonger les tensions inflationnistes, en particulier dans les économies confrontées à un alourdissement sensible des coûts des échanges ou caractérisées par des tensions persistantes sur le marché du travail, ce qui entraînerait un resserrement monétaire et une dégradation des perspectives de croissance. Les risques que font peser sur la stabilité financière le niveau toujours élevé des cours sur les marchés d’actions et leur concentration, ainsi que l’ampleur des besoins de financement des entreprises, pourraient se matérialiser sous l’effet d’une poursuite de la réévaluation des risques et d’une amplification des ventes forcées d’actifs effectuées par des intermédiaires financiers non bancaires à fort effet de levier. En revanche, une inversion du mouvement de renforcement des barrières commerciales étayerait la croissance et réduirait l’inflation, même si elle ne se traduisait pas immédiatement par une diminution de l’incertitude liée à l’action publique. Des mesures d’allègement des charges réglementaires et un règlement rapide des conflits en Europe et au Moyen-Orient pourraient également améliorer la confiance et les incitations à investir.
Dans ce contexte, les principales priorités de l’action publique consistent à faire diminuer durablement les tensions commerciales, l’incertitude liée à l’action publique, et l’inflation, à définir une trajectoire budgétaire crédible menant à la viabilité de la dette, tout en apportant un soutien temporaire à ceux qui sont vulnérables face aux chocs économiques, et à mettre en œuvre des réformes ambitieuses pour améliorer les perspectives de croissance et la compétitivité.
Les pays doivent parvenir à travailler ensemble dans le cadre du système commercial mondial et à rendre la politique commerciale plus prévisible. Des accords atténuant les tensions commerciales, ou réduisant éventuellement les barrières commerciales existantes, seraient bienvenus et amélioreraient la clarté de l’action publique ainsi que les perspectives d’investissement et de croissance. Des mesures d’allègement des droits de douane, d’approfondissement des accords commerciaux ou de réduction des barrières commerciales dans ls services seraient également bénéfiques pour la productivité et le niveau de vie. Les principaux domaines dans lesquels il existe des possibilités de réformes relatives aux échanges de services sont notamment la poursuite de l’amélioration de la facilitation des échanges, la réduction des obstacles réglementaires qui entravent l’accès aux marchés nationaux et les initiatives visant à renforcer la fourniture transnationale de services par voie numérique.
Les banques centrales devraient rester vigilantes compte tenu de l’aggravation de l’incertitude et de la possibilité que les augmentations initiales des coûts des échanges accentuent les tensions sur les salaires et les prix de manière plus générale. Pour les banques centrales, la balance des risques variera selon les pays, sachant que les effets à la baisse induits par l’accentuation de l’incertitude et l’affaiblissement des exportations exerceront sans doute une influence déterminante sur les décisions des autorités dans la plupart des pays, tandis que ce sont plutôt les tensions inflationnistes qui poseront problème dans les pays qui relèvent leurs droits de douane. Sous réserve que les anticipations d’inflation restent bien ancrées et que les tensions commerciales ne s’intensifient pas davantage, il faudrait continuer de réduire les taux directeurs dans les économies où l’inflation sous-jacente devrait s’atténuer ou rester modérée.
Confrontés à de multiples tensions sur les dépenses, les pouvoirs publics doivent assurer la viabilité de la dette à long terme et préserver leur capacité de réagir aux chocs futurs. Il sera essentiel de redoubler d’efforts pour maîtriser et réaffecter les dépenses et accroître les recettes, en les inscrivant sur des trajectoires d’ajustement à moyen terme crédibles et adaptées aux spécificités de chaque pays, afin que la charge de la dette reste gérable et que soient conservées les ressources nécessaires pour faire face aux problèmes posés par les dépenses à plus long terme. L’alourdissement du coût du service de la dette et certains besoins de dépenses urgents, liés par exemple aux projets d’augmentation sensible des dépenses de défense, contraignent déjà les autorités de certains pays à faire des choix difficiles concernant le rythme et la composition de l’ajustement budgétaire et limitent les marges de manœuvre budgétaires. À court terme, il faudrait laisser jouer pleinement les stabilisateurs budgétaires automatiques pour qu’ils contribuent à atténuer l’effet négatif des tensions commerciales et de la forte incertitude. Des mesures de soutien ciblées et judicieusement conçues pourraient aussi être nécessaires pour aider les entreprises, mais elles ne devraient être que temporaires, car il sera essentiel d’adopter des solutions structurelles s’il est probable que les effets négatifs induits sur la compétitivité externe perdureront.
La montée du protectionnisme, l’incertitude géopolitique et les perspectives de croissance médiocres accentuent la nécessité d’engager des réformes structurelles ambitieuses permettant de rehausser les niveaux de vie et de renforcer la compétitivité économique. Il faudrait mettre résolument l’accent sur les mesures destinées à relancer l’investissement des entreprises, l’innovation et la productivité du travail, en particulier sur celles qui ont un coût budgétaire limité à court terme. La forte incertitude liée à l’action publique, la dégradation de la dynamique des entreprises et les difficultés perçues de financement des investissements futurs dans les actifs incorporels sont autant de problèmes auxquels il faut remédier dans de nombreuses économies de l’OCDE afin de renforcer la croissance de l’investissement.