Comprendre la mobilité sociale
On parle de mobilité sociale lorsqu’une personne change de statut socio-économique, que ce soit par rapport à ses parents (mobilité intergénérationnelle) ou au cours de sa vie (mobilité intragénérationnelle).
La mobilité sociale va de pair avec l’égalité des chances : elle indique dans quelle mesure les individus ont les mêmes chances de réussir dans la vie, quel que soit le milieu socio-économique de leurs parents, leur sexe, leur âge, leur orientation sexuelle, leur race, leur appartenance ethnique, leur lieu de naissance ou autres particularités indépendantes de leur volonté.
La mobilité sociale et l’égalité des chances peuvent se mesurer en termes de revenu, de salaire ou encore de catégorie sociale, mais peuvent également englober d’autres dimensions du bien-être comme la santé et l’éducation.
Les personnes issues de milieux défavorisés ont moins de chances de progresser sur l’échelle sociale. Dans les pays européens de l’OCDE, les enfants grandissant dans les milieux les moins favorisés sur le plan socio-économique gagnent, une fois adultes, jusqu’à 20 % de moins que ceux ayant eu une enfance plus favorable. Dans les pays de l’OCDE, il faut presque cinq générations pour que les personnes nées dans des familles modestes se rapprochent du revenu moyen de leur pays. L’inégalité des chances pose non seulement problème sur le plan moral, mais elle compromet la prospérité économique et sociale.
La plupart des individus estiment que la mobilité sociale est limitée : en moyenne, les citoyens de l’OCDE pensent que 6 enfants pauvres sur 10 resteront pauvres à l’âge adulte. Environ 65 % des citoyens de l’OCDE en âge de travailler expriment la crainte de ne pas trouver la même sécurité financière que leurs parents et une proportion quasi égale redoutent une situation encore plus précaire pour leurs enfants. Les personnes les plus inquiètes au sujet de leurs perspectives dans la vie sont aussi les moins heureuses et ont le sentiment d’être le moins représenté en politique.
Dès lors, comment promouvoir l’égalité des chances ? Poursuivre la lecture pour en savoir plus sur les politiques publiques qui peuvent changer les choses.
L’OCDE s’attache à :
recueillir des données permettant de mieux évaluer la mobilité sociale et l’égalité des chances ;
procéder à des analyses et formuler des recommandations sur l’action à mener ; et
examiner quel peut être le rôle de la société civile et du secteur privé pour favoriser l’égalité des chances.
Grâce à ces travaux, on comprend beaucoup mieux aujourd’hui les déterminants de la mobilité sociale. Mais il reste des angles morts. Le COVID-19 et les mégatendances actuelles (transformation numérique, transition verte...) posent de nouveaux défis systémiques qui appellent de nouvelles recherches.
Le lancement récent de l’Observatoire de la mobilité sociale et de l’égalité des chances répond à ce besoin. L’Observatoire a pour objet d’approfondir nos connaissances, de s’appuyer sur les travaux existants, de combler les lacunes dans les informations dont on dispose, et d’appuyer l’élaboration de politiques fondées sur des données visant à promouvoir l’égalité des chances pour les générations d’aujourd’hui et de demain. L’Observatoire fait partie d’un ensemble de travaux que l’OCDE consacré aux inégalités.
Les enfants prennent un départ dans la vie qui est fonction du niveau de richesse de leurs parents. Or, la répartition de richesses est inégale : en moyenne dans les pays de l’OCDE, les 10 % de ménages les plus riches possèdent plus de la moitié de la richesse totale de l’ensemble des ménages. Le patrimoine transmis est également inégal : en moyenne, les ménages disposant des plus hauts revenus se voient transmettre plus de deux fois plus de capital que les ménages les plus modestes.
Bon nombre des déterminants des inégalités à long terme s’aggravent pendant l’enfance. Ainsi, si dans les milieux socio-économiques privilégiés, près de 6 enfants sur 10 bénéficient régulièrement d’apprentissages à la maison avant d’entrer en primaire, ils sont à peine plus de 3 sur 10 dans les milieux défavorisés.
Le statut socio-économique influe également sur les ambitions de l’enfant. Dans les pays de l’OCDE, seulement la moitié environ des adolescents de 15 ans issus de milieux modestes envisagent d’atteindre un niveau d’études supérieur, contre plus de 4 sur 5 dans les milieux privilégiés.
Les inégalités observées dans les ambitions et les ressources pèsent sur la réussite future. En effet, les probabilités pour les enfants dont les parents sont diplômés de l’enseignement supérieur d’obtenir eux-mêmes un diplôme universitaire sont plus élevées, de 45 points de pourcentage, que celles des enfants dont les parents n’ont pas obtenu de diplôme du secondaire. Ils sont également plus susceptibles de jouir d’une bonne santé et d’un revenu disponible plus élevé.
« Même si les choses se sont améliorées au cours des dernières décennies, les jeunes des classes supérieures continuent d’avoir plus de chances de réussite. Ils peuvent prendre davantage de risques, car ils disposent souvent de filets de sécurité qui leur permettent de s’en sortir en cas d’échec. »
Arthur Thirion, 24 ans,
membre de Youthwise (France et Irlande)
Les enfants issus de milieux défavorisés démarrent dans la vie avec moins de ressources, ce qui semble se traduire par moins de réussite par la suite. Pour améliorer leur bien-être, il faut des mesures visant à atténuer l’incidence des handicaps sociaux et économiques à la source. Certaines initiatives visent par exemple à aider les parents dès la période prénatale, grâce à des programmes d’aide à la recherche d’emploi ou des aides à l’accueil et l’éducation des jeunes enfants.
Taxer les successions et les donations peut également être un moyen important de promouvoir l’égalité des chances. Plus précisément, les taxes sur la transmission des grandes fortunes peuvent contribuer à réduire la concentration des richesses. Elles ont également moins d’effets collatéraux sur l’épargne et l’offre de main d’œuvre que d’autres impôts prélevés sur les contribuables fortunés. Le recours et la conception de ces impôts présentent toutefois des marges d’amélioration : en effet, parmi les pays de l’OCDE qui les prélèvent, les impôts sur les successions ou sur le patrimoine immobilier ne génèrent en moyenne que 0.5 % du total des recettes fiscales.
Le cadre de vie d’un enfant est un déterminant essentiel de la mobilité sociale ascendante. Dans les pays de l’OCDE, un enfant sur cinq en moyenne vit dans un environnement bruyant et/ou pollué, ce qui peut avoir des conséquences durables sur sa santé et ses perspectives d’emploi.
Des données néerlandaises indiquent que les enfants des quartiers les plus pauvres gagneront par la suite 5 à 6 % de moins que ceux des quartiers les plus riches. Les enfants de milieux défavorisés sont aussi plus susceptibles de vivre dans des quartiers caractérisés par des taux élevés de criminalité et de violence.
En matière d’éducation, on observe que les disparités inhérentes au statut socio-économique se creusent pendant toute la scolarité et sont déjà perceptibles à l’adolescence. Les jeunes de 15 ans dont les parents, par leur position socio-économique, se situent dans le premier quartile, par exemple, obtiennent généralement de meilleurs résultats dans le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) que ceux dont les parents appartiennent au dernier quartile.
Au-delà de l’environnement familial, l’environnement scolaire est essentiel à la réussite à l’école. Ainsi, les élèves obtiennent de moins bons résultats dans les établissements où la majeure partie des élèves proviennent de milieux défavorisés, indépendamment de la position socio-économique des parents. La ségrégation et le manque de mixité sociale peuvent donc renforcer l’inégalité des chances.
Les inégalités entre catégories socio-démographiques jouent aussi un rôle prépondérant dans les résultats scolaires. Il existe ainsi des écarts chroniques dans les résultats scolaires en fonction du sexe, les filles obtenant de moins bons résultats en mathématiques et en calcul à l’école, et les jeunes femmes étant sous-représentées dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques à l’université.
Ces différences dans l’éducation se répercutent dans l’accès à des emplois de qualité qui donnent aux jeunes la possibilité de développer plus avant leurs compétences professionnelles, en particulier les compétences nécessaires dans un monde de plus en plus axé sur le numérique. Les jeunes issus de milieux défavorisés peuvent aussi être moins mobiles socialement en raison de possibilités d’emploi trop peu nombreuses, de la discrimination et d'une offre limitée de formation continue.
« Pour favoriser l’égalité des chances, il faudrait investir dans des services de conseils d’orientation de meilleure qualité, plus accessibles et abordables, afin d’aider les jeunes à saisir les opportunités qui s’offrent à eux et à faire des choix de vie en toute connaissance de cause. »
Marine Marty, 25 ans, membre de Youthwise (Suisse)
Les différences de statut socio-économique, de milieu familial et de cadre de vie – entre autres facteurs – se répercutent sur les apprentissages des enfants, leur réussite à l’école et les emplois qu’ils occuperont. Pour mettre fin à ces inégalités, il faut des politiques publiques qui permettent aux enfants d’avoir le même accès aux ressources et les mêmes chances.
Les décideurs publics doivent investir dans l’éducation, y compris dans des outils d’apprentissage en ligne, tout en veillant à ne pas creuser les fractures numériques existantes. Il est également essentiel de mettre l’accent sur l’apprentissage tout au long de la vie pour aider les jeunes à acquérir des compétences à mesure que de nouveaux secteurs et industries apparaissent.
Le Portail de données et le Tableau de bord sur le bien‑être des enfants
Le Portail de données de l’OCDE sur le bien-être des enfants comporte plus de 200 indicateurs sur les déterminants et les résultats obtenus en matière de bien-être des enfants, et donne à voir des données ventilées par grandes caractéristiques, comme le sexe, le statut migratoire, et les revenus des ménages. Le Portail s’appuie sur les dernières données disponibles issues des bases de données de l’OCDE et de plusieurs grandes enquêtes internationales et campagnes de collecte de données, dont l’enquête HBSC (Health Behaviour in School‑aged Children Survey) sur la santé des élèves et le Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA).
Consultez le Tableau de bord interactif sur le bien-être des enfants pour accéder à une sélection de 20 indicateurs clés.
Les inégalités qui existent dans l’enfance se retrouvent plus tard dans la vie. À l’âge adulte, les possibilités d’emplois ne sont pas du tout les mêmes selon l’endroit où l'on vit, non seulement à l’échelle des régions, mais également des villes. Aux États-Unis, par exemple, on trouve moins d’emplois disponibles dans les environs des quartiers marqués par une plus forte concentration de minorités.
La mobilité sociale est particulièrement difficile pour les personnes qui occupent des emplois de qualité médiocre, et sont moins susceptibles de quitter des emplois faiblement rémunérés ou temporaires. Il en est de même pour les personnes ayant un faible niveau d’études, qui ont généralement moins de possibilités de se reconvertir ou de monter en compétences. Ce constat s’est imposé lors de la pandémie de COVID-19, qui a vu s’amenuiser les possibilités de formation informelle des travailleurs moyennement ou faiblement qualifiés.
Les inégalités entre catégories socio-démographiques (définies par le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la race, l’origine ethnique et le statut migratoire) creusent les écarts observés en termes de possibilités de progression sur l’échelle sociale. Ainsi, les femmes gagnent nettement moins que les hommes au cours de leur vie et sont bien moins représentées dans les postes d’encadrement, alors même que les jeunes femmes font généralement des études plus longues que les jeunes hommes. Les femmes connaissent également plus de difficultés en matière d’entrepreneuriat : l’OCDE estime en effet que sur les 35 millions d’entrepreneurs potentiels manquant à l’appel, 75 % sont des femmes.
Les minorités font largement l’objet de discriminations qui constituent autant de freins. Des études montrent que les minorités ethniques et les personnes LGBTI+ ont moins de chances d’être convoquées à un entretien après avoir postulé à un emploi. Par ailleurs, les jeunes immigrés de la deuxième génération ont souvent de moins bonnes perspectives d’emplois. Les obstacles qui pèsent sur le taux d’activité de certains groupes posent non seulement des problèmes d’éthique, mais sont préjudiciables à l’économie.
« Aujourd’hui l’accès à l’éducation, à l’information et à la technologie est plus ouvert qu’avant pour les personnes de genre et d’origine ethnique différents. Mais notre génération doit faire face à une hausse du coût de la vie qui pèse sur la qualité de vie, et réduit les possibilités de logement, d’obtention de prêts bancaires et la capacité à épargner pour l’avenir. »
Rebeca Quesada Molina,
24 ans, membre de Youthwise (Costa Rica)
Pour offrir à tous les mêmes chances, il faut déployer à l’échelle de l’ensemble de l’administration des stratégies visant à promouvoir la diversité et s’attaquer aux causes structurelles et concrètes des inégalités.
Les initiatives visant à accompagner les individus pendant les grandes transitions de la vie peuvent favoriser la mobilité ascendante et réduire les risques de basculer dans la pauvreté. Des mesures bien pensées de protection sociale et d’aide aux demandeurs d’emploi peuvent faciliter ces transitions et aider les individus à trouver un emploi.
Des investissements stratégiques sont nécessaires pour permettre aux régions, villes et autres territoires à la traîne de gagner en productivité, et améliorer l’accès à l’éducation et à la formation. Nombreux sont les adultes qui souhaitent pouvoir accéder aux zones offrant de meilleures perspectives d’emploi : développer les transports publics et rendre les logements plus abordables dans les bassins d’emploi pourraient les y aider.
Les politiques publiques devraient favoriser un environnement économique propice à la création d’emplois de qualité.
Les travailleurs devraient être protégés des risques liés au marché du travail et avoir la possibilité d’accéder aux formations dont ils ont besoin.
Les jeunes peuvent tout particulièrement bénéficier d’une augmentation des investissements publics dans les compétences, l’éducation, l’emploi et les ressources à l’appui de la santé mentale.
Découvrez un large éventail de pistes d’action proposées dans la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi et dans la Recommandation du Conseil sur l’amélioration des perspectives offertes aux jeunes.
Perceptions
Inégalités générationnelles
L’ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale
Intergenerational Social Mobility
Base de données sur la distribution des revenus
Politique fiscale et économique
Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE, Études de politique fiscale de l'OCDE
Villes, régions et logement
Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement
Égalité femmes-hommes
Atteindre l’égalité femmes-hommes : Un combat difficile
Fast Forward to Gender Equality
Éducation
Perspectives de l'OCDE sur les compétences 2021 : Se former pour la vie
Discriminations et Diversité
Perspectives de l'emploi de l’OCDE 2008 : Le prix des préjugés
Panorama de la société 2019 : Les indicateurs sociaux de l’OCDE, Un éclairage sur les personnes LGBT
All Hands In? Making Diversity Work for All
Emplois
Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2019 : L'avenir du travail
Connecting people with good jobs
Classe moyenne