La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, qui doit se tenir à Séville en 2025, marque un moment décisif pour la communauté mondiale. À l’heure où se creusent les déficits de financement, où la pression exercée par l’endettement s’accentue, où les crises climatiques et autres défis mondiaux s’intensifient, et où il devient urgent de concrétiser les Objectifs de développement durable (ODD), cette conférence offre une occasion décisive de renouveler le cadre mondial de financement, en faisant correspondre aux ambitions des solutions concrètes à la hauteur des défis de notre époque. Tandis que l’échéance de 2030 approche inexorablement, il est temps de donner un nouveau souffle aux efforts collectifs, en veillant à ce qu’aucun pays ne soit laissé de côté dans la transition vers un avenir durable et résilient.
L’économie mondiale fait preuve de résilience depuis la pandémie de COVID‑19 : si l’on a enregistré une contraction de 3.4 % en 2020, un rebond de la croissance a permis d’atteindre 3.2 % en 2024, mais les perspectives de croissance à long terme restent médiocres, les prévisions pour 2029 s’établissant à 3.1 %, le niveau le plus faible depuis des décennies. Les pays à faible revenu (PFR) sont confrontés à une stagnation, et l’écart entre eux et les pays à revenu élevé (PRE) se creuse. Les bouleversements géopolitiques, la fragmentation des échanges et les sanctions économiques ne font qu’aggraver la situation. Malgré une hausse de 22 % des flux financiers vers les pays en développement depuis 2015, le déficit de financement des ODD a augmenté de 60 %, et les ressources restent insuffisantes pour satisfaire des besoins croissants. De plus, la hausse des taux d’intérêt et l’accroissement de la dette dans les pays en développement empêchent de réaliser des investissements critiques dans la santé, l’éducation et les objectifs climatiques.
Dans ce contexte, le rapport met en évidence trois priorités pour les négociateurs cherchant à renouveler le cadre de financement et le plan d’action associé à Séville, et à accélérer les progrès au regard des ODD :
1. S’efforcer d’obtenir, lors de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, des résultats significatifs et politiquement réalisables. Il est crucial de restaurer la confiance entre les nations si l’on veut atteindre un consensus sur le renouvellement du cadre de financement.
Rénover les plateformes existantes à l’appui de la coopération internationale pour le développement de façon à promouvoir l’inclusivité et la collaboration. Les institutions héritées du milieu du XXe siècle doivent adapter leur gouvernance au nouveau contexte géoéconomique et relever les nouveaux défis de manière plus inclusive et collaborative. Le cadre renouvelé devrait mieux coordonner les actions des différentes plateformes chargées de la conception, de la mesure, du suivi et de la reddition de comptes concernant les résultats de la coopération pour le développement. Il s’agit notamment de relier les cadres de financement nationaux intégrés (INFF) aux plateformes nationales ; de clarifier et de préciser la définition de l’aide publique au développement (APD) et de renforcer la collaboration entre les instances internationales dédiées au financement du développement et le Comité d’aide au développement (CAD) ; d’encourager une participation accrue de tous les pays au Forum international sur le soutien public total au développement durable ; ou d’utiliser le cadre de suivi actualisé du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement (le Partenariat mondial) pour donner aux pays les moyens de prendre la main dans la conception et la mise en œuvre des stratégies de développement.
Réaffirmer les principes fondamentaux d’efficacité de la coopération pour le développement. La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement entend confier un rôle moteur aux pays en développement. Les principes d’efficacité établis de longue date devront donc être appliqués et suivis de manière plus rigoureuse. L’appropriation par les pays et une meilleure coordination entre les parties prenantes sont essentielles pour réduire la fragmentation des politiques des donneurs générant des coûts de transaction élevés pour les partenaires. Pour que les investissements puissent avoir un impact fort, les flux de financement doivent mieux coïncider avec les priorités de développement, et les mécanismes de coordination doivent être améliorés, y compris au sein de l’architecture de la dette souveraine. Un cadre de suivi actualisé du Partenariat mondial pourrait faire progresser l’inclusivité, la transparence et l’alignement sur les systèmes nationaux.
Améliorer la cohérence des politiques au service du développement durable (CPDD). Des acteurs tels que l’OCDE pourraient accélérer les efforts visant à améliorer la mesure des effets transnationaux des politiques publiques qui exacerbent les inégalités dans le monde, et aider les pouvoirs publics à rendre leurs politiques plus cohérentes avec l’objectif d’un développement durable sur toute la planète. La réforme des politiques budgétaires, des systèmes fiscaux et des subventions dans les pays à revenu élevé peut permettre de mieux faire coïncider les apports de financements avec les cibles des ODD et de l’Accord de Paris.
2. Actualiser le cadre de financement lors de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement pour trouver le délicat équilibre qui permettra d’avancer vers un programme d’action audacieux mais pragmatique après 2025. Depuis l’adoption du Programme d’action d’Addis-Abeba en 2015, la pandémie de COVID‑19, le changement climatique, le rétrécissement de la marge de manœuvre budgétaire et d’autres défis ont modifié les besoins et les priorités en matière de financement. Pour que les progrès vers la réalisation des ODD s’accélèrent, les négociateurs doivent ménager un équilibre délicat et durable entre ambition et faisabilité.
Mettre fin aux « cercles vicieux ». À moins que des financements adéquats ne soient fournis pour y remédier, des évolutions négatives telles que le changement climatique, la réduction du capital humain ou l’endettement excessif s’auto-alimenteront. Le coût élevé à court terme des investissements dans l’éducation, les énergies propres ou les infrastructures est un mal nécessaire qui générera des avantages économiques à long terme et brisera ces cercles vicieux.
Accélérer « l’alignement des milliers de milliards de dollars ». Les actifs mondiaux – d’une valeur de 461 000 milliards USD en 2022 – doivent être réorientés de telle sorte qu’ils remédient aux déficits de financement des ODD. L’élimination des pratiques préjudiciables telles que les subventions aux combustibles fossiles (1 530 milliards USD en 2022), l’encouragement de la transparence financière et la réalisation de progrès vers la définition de taxonomies relatives à la durabilité peuvent favoriser des investissements à fort impact. Cibler les fuites de capitaux, comme les frais élevés pour les envois de fonds et les flux illicites, pourrait permettre de dégager des milliards de dollars chaque année. Il est crucial de réformer les banques multilatérales de développement (BMD) afin de tripler, d’ici à 2030, les prêts accordés en faveur de transitions justes et durables.
Trouver de nouvelles ressources financières et de nouveaux leviers pour la transition. Les stratégies pour une transition juste, la tarification du carbone et les réformes en faveur de la finance verte peuvent permettre de mobiliser des ressources à l’appui des ODD tout en prenant en compte les responsabilités et besoins différenciés. Des instruments tels que les conversions de dettes en investissements écologiques ou les initiatives relatives aux océans et à la bioéconomie peuvent permettre de libérer des ressources supplémentaires. Des stratégies plus solides, que les pays se sont appropriées, peuvent montrer la voie vers la réalisation des objectifs interdépendants sans compromettre le progrès environnemental, social et économique.
3. Renforcer le suivi du cadre qui sera défini lors de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, en vue d’améliorer la redevabilité et la transparence, grâce à des résultats attendus clairs et concrets. Ce rapport recense au moins 70 cibles et indicateurs relatifs aux ODD et pertinents pour opérer un suivi des progrès en matière de financement et adapter les stratégies.
S’accorder sur des résultats attendus clairs et concrets, accompagnés de cibles et d’indicateurs bien définis. Il est essentiel de se concentrer sur des résultats mesurables et alignés sur les ODD si l’on veut maximiser l’impact de toutes les sources de financement à l’appui du développement. Ce rapport démontre le potentiel des nouveaux indicateurs et des nouvelles mesures de sauvegarde pour rendre l’allocation des ressources plus équitable, renforcer la redevabilité et suivre efficacement les contributions à la réalisation des ODD.
Encourager des engagements individualisés dans le cadre de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement. Séville ne doit pas être la fin mais le début d’un processus. Le nouveau cadre devrait s’accompagner d’un plan de mise en œuvre assorti de propositions d’actions à mener par différents acteurs tels que le CAD de l’OCDE, Finance en commun, le groupe des banques multilatérales de développement, l’Alliance mondiale des investisseurs pour le développement durable, pilotée par les Nations Unies, ou les organisations philanthropiques, entre autres. Ces actions pourraient faire l’objet d’un suivi continu et les progrès accomplis pourraient être régulièrement communiqués aux Nations Unies, avec la possibilité d’ajuster la feuille de route à mesure que les acteurs honorent leurs engagements en matière de réforme.
Favoriser l’apprentissage adaptatif, avec à la clé des améliorations continues dans la façon dont le financement contribue à la réalisation des ODD et d’autres objectifs. S’appuyant sur des processus tels que les examens nationaux volontaires (ENV) et les cadres de financement nationaux intégrés (INFF), la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement devrait faciliter la prise de décision et le renforcement des capacités fondés sur des données. Ainsi, l’amélioration des systèmes de notification et l’assistance technique en matière de capacités statistiques peuvent renforcer les efforts de suivi à l’échelle mondiale, en assurant un impact réel et en maximisant la redevabilité.