Plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de la Nouvelle-Zélande proviennent de l’agriculture, soit le pourcentage le plus élevé de la zone OCDE. Jusqu’à présent, les émissions liées à l’agriculture n’étaient pas comprises dans le système d’échange de quotas d’émissions de la Nouvelle-Zélande, mais le pays serait probablement le premier à fixer un tarif des émissions agricoles dès 2025. Les responsables du secteur agricole et l’industrie ont joint leurs forces dans un partenariat – He Waka Eke Noa (« Nous sommes tous dans le même bateau ») – pour concevoir une tarification permettant de maintenir la compétitivité des produits agricoles sur le marché international tout en réduisant les émissions.
Nouvelle-Zélande : vers une tarification des émissions agricoles
Abstract
Défis
Plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Nouvelle-Zélande proviennent de l’agriculture, principalement des émissions de méthane (CH4) causées par les ruminants et de protoxyde d’azote (N2O) causées par les déchets animaux et les engrais. Ce pourcentage est de loin le plus élevé dans la zone OCDE et reflète l’importance du secteur dans l’économie néo-zélandaise. Les politiques d’atténuation du changement climatique de la Nouvelle-Zélande reposent en grande partie sur les forêts pour servir de puits et sur la tarification du carbone grâce au système national d’échange de quotas d’émissions (NZ ETS). Cependant, à ce jour, l’agriculture est le seul secteur qui n’est pas compris dans le NZ ETS.
Les pouvoirs publics ont fixé des objectifs à long terme ambitieux pour réduire les émissions de méthane et atteindre la neutralité d’émissions de protoxyde d’azote et de CO2 d’ici 2050, en introduisant une distinction entre les gaz à courte durée de vie et à longue durée de vie. Des discussions sont en cours avec les parties prenantes du secteur agricole pour déterminer la meilleure manière d’atteindre ces objectifs. La grande majorité des agriculteurs s’opposent à l’intégration de l’agriculture dans le NZ ETS et souhaitent que soient mieux reconnus les efforts de séquestration au niveau des exploitations.
Actuellement, beaucoup d’exploitants agricoles sont peu au fait des facteurs favorisant les émissions sur leurs exploitations et des moyens à disposition pour les atténuer. Peu de mesures existent pour les inciter à adopter de nouvelles technologies. Les coûts des investissements dans ce domaine sont élevés et le résultat n’est pas toujours à la hauteur (Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, 2022).
Approche
La définition d’objectifs juridiquement contraignants pour l’agriculture est une composante à part entière des engagements pris par la Nouvelle-Zélande en faveur du climat, ce qui comprend des objectifs quantifiés à moyen et long terme. Par rapport au niveau de 2017, le pays vise à réduire les émissions biogéniques brutes de méthane de 10 % d’ici 2030 et de 24-47 % d’ici 2050. Les émissions d’autres GES devront atteindre la neutralité d’ici 2050 (loi de 2019 portant amendement de la loi Neutralité carbone).
Afin de permettre au pays d’atteindre ses objectifs, des mesures seront prises au moyen de trois plans de réduction des émissions (2022-25, 2026-30, 2031-35) qui comprendront des budgets d’émissions par secteur. Une commission indépendante est chargée d’assurer un suivi régulier et de rédiger un rapport annuel sur les avancées obtenues en vue de respecter les limites annuelles d’émission fixées et d’atteindre l’objectif à l’horizon 2050.
Le premier plan de réduction des émissions 2022-25 du gouvernement repose sur cinq domaines d’attention : 1) tarification des émissions agricoles d’ici 2025 ; 2) adoption de nouvelles technologies d’atténuation ; 3) soutien aux producteurs pour qu’ils effectuent les changements nécessaires ; 4) promotion de la transition vers des méthodes agricoles plus durables ; et 5) facilitation de l’adoption des solutions proposées par les Maoris, un objectif transversal qui vise à mettre en valeur les savoirs autochtones.
Le partenariat du secteur primaire pour l’action climatique – He Waka Eke Noa (« Nous sommes tous dans le même bateau ») – est au cœur de l’approche choisie par la Nouvelle-Zélande pour réduire les émissions agricoles. Créé en 2019, le partenariat rassemble les principales parties prenantes que sont les organisations d’agriculteurs maoris, les partenaires industriels, les experts du secteur et des chercheurs ainsi que des représentants des pouvoirs publics dans le but de trouver des solutions pratiques concertées. Il s’engage à concevoir un système de tarification dans les exploitations qui garantira la compétitivité des produits agricoles néo-zélandais sur le marché international tout en permettant de réduire les émissions. Il vise également à renforcer la résilience des communautés rurales.
Le mécanisme précis de tarification des émissions agricoles de la Nouvelle-Zélande sera défini d’ici fin 2022. Le choix n’est pas encore arrêté entre inclure l’agriculture dans le NZ ETS (au niveau du producteur ou du transformateur) et créer une tarification alternative (par exemple, une taxe au niveau du producteur) assortie de mesures réglementaires visant à faire respecter les obligations de réduction des émissions. Le partenariat He Waka Eke Noa a recommandé une taxe différenciée par gaz au niveau des producteurs. L’approche par gaz permettrait de séparer les charges pesant sur les producteurs entre les émissions de gaz à courte durée de vie (CH4) et les gaz à longue durée de vie (N2O et CO2).
Résultats
La Nouvelle-Zélande est l’un des premiers pays à fixer des objectifs juridiquement contraignants à son secteur agricole. Comme l’avait fait la loi sur le changement climatique du Royaume-Uni, la loi portant amendement de la loi Neutralité carbone de 2019 en Nouvelle-Zélande fixe des objectifs intermédiaires sur une trajectoire qui mène à un objectif de long terme et repose sur des avis indépendants fondés sur des données. Ceci aidera la Nouvelle-Zélande à avancer vers la réalisation de ses objectifs climatiques et à respecter les engagements pris au titre de l’Accord de Paris. Il est encore trop tôt pour évaluer les effets du premier plan de réduction des émissions de la Nouvelle-Zélande. Cependant, le pays prépare activement la création d’un mécanisme de tarification des émissions agricoles à l’horizon 2025.
Le partenariat He Waka Eke Noa constitue un cadre encourageant qui permet de tenir compte des solutions proposées par les exploitants agricoles et de garantir que les parties prenantes clés participent et coopèrent pour trouver des solutions opérationnelles. Par exemple, l’initiative « Know your numbers » a été essentielle pour mettre sur pied une capacité de suivi des émissions au niveau des exploitations et ainsi préparer les producteurs à l’introduction d’une tarification des émissions. Fin 2021, 61 % des producteurs interrogés connaissaient leurs émissions annuelles totales au niveau de l’exploitation et, en 2022, près d’un quart des exploitants avait rédigé un plan permettant de mesurer et de gérer ses émissions (He Waka Eke Noa, 2022). On note cependant de grandes disparités entre les secteurs : en général, les exploitations laitières mesurent bien plus leurs émissions au niveau de l’exploitation (92 %) que les exploitation horticoles (30 %). D’ici 2025, le pays prévoit de faire en sorte que toutes les exploitations aient rédigé un plan de mesure et de gestion des émissions agricoles. Mesurer les émissions au niveau de l’exploitation est un prérequis important avant d’introduire un système de tarification au niveau des producteurs.
Enseignements
L’expérience de la Nouvelle-Zélande souligne l’importance du dialogue entre les parties prenantes et du renforcement des capacités au niveau des exploitations. Un dialogue efficace entre les parties prenantes et une consultation nationale des agriculteurs et des producteurs ont permis de trouver des solutions pratiques pour réduire les émissions du secteur agricole néo-zélandais. Les retours des exploitants jouent un rôle essentiel pour affiner les recommandations à l’heure de la définition du mécanisme national de tarification des émissions agricoles. Le partenariat He Waka Eke Noa a contribué à faire prendre conscience des enjeux aux exploitants, à renforcer la capacité de planification des exploitations et à soutenir la transition vers des systèmes agricoles plus durables. L’expérience de réduction des émissions agricoles de la Nouvelle-Zélande permettra à d’autres pays de tirer des enseignements précieux.
En savoir plus
OCDE (2017), Examens environnementaux de l'OCDE: Nouvelle-Zélande 2017 (Version abrégée), Examens environnementaux de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264277809-fr.
OCDE (2022), « New Zealand », dans Agricultural Policy Monitoring and Evaluation 2022 : Reforming Agricultural Policies for Climate Change Mitigation, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7f6276aa-en.
New Zealand Government (2022). Towards a productive, sustainable and inclusive economy. Aotearoa New Zealand’s first emissions reduction plan, https://environment.govt.nz/assets/publications/Aotearoa-New-Zealands-first-emissions-reduction-plan.pdf
He Waka Eke Noa (2022). Milestone update and six-month progress report, October 2021 - March 2022, He-Waka-Eke-Noa_Six-Month-Progress-Report_March-2022.pdf (hewakaekenoa.nz).
He Waka Eke Noa (2022). Agriculture Emissions Pricing System. B+LNZ & DairyNZ Summary of Recommendations to Government.
https://beeflambnz.com/sites/default/files/consultations/RECOMMENDATION-REPORT.pdf
Publication à mettre en avant
OCDE (2017), Examens environnementaux de l'OCDE: Nouvelle-Zélande 2017 (Version abrégée), Examens environnementaux de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264277809-fr.
Lien vers : https://www.oecd.org/fr/environnement/examens-pays.
Contenu connexe
Royaume-Uni : une loi pionnière sur le changement climatique : https://www.oecd.org/action-climat/ipac/politiques-en-action/royaume-uni-une-loi-pionniere-sur-le-changement-climatique-5b702655/.
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