L'examen par les pairs consacré au Canada mené en 2025 par le Comité d'aide au développement (CAD), sous la conduite de la France et de la Slovénie, la Türkiye ayant un rôle d'observateur, analyse les politiques et les programmes du Canada en matière de coopération au développement. Quatre domaines principaux structurent cet examen : l’efficacité du développement, l'intégration des politiques, les conséquences de la politique féministe et les financements innovants.
Une meilleure communication sur la valeur ajoutée de l'aide internationale du Canada dans les contextes pertinents permettrait au gouvernement d’étayer son engagement à augmenter le budget de l'aide publique au développement (APD). La Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle et la Politique d'aide internationale féministe (PAIF) confèrent une identité claire à la coopération au développement du Canada en mettant l'accent sur la réduction de la pauvreté et l'égalité des genres. Malgré une augmentation de l'APD depuis 2018, conformément à l'engagement pris par le gouvernement, le ratio APD/RNB restait à 0.38 % en 2023. Tout en s’appuyant sur une forte culture de reddition de comptes envers le Parlement canadien et les citoyens, le renforcement de l’approche axée sur les résultats à l’échelle de portefeuille et l'investissement dans l'élaboration d'un argumentaire convaincant pourraient contribuer à défendre le budget d’APD dans un contexte géopolitique difficile.
Renforcer la flexibilité de son aide au développement permettrait à Affaires mondiales Canada (AMC) de tenir ses engagements en faveur de l'efficacité du développement. Le ministère plaide pour l'efficacité du développement sur la scène internationale, et ses partenaires apprécient la façon dont celui-ci valorise leur expertise et aborde les objectifs de développement. Toutefois, la majeure partie de l'aide au développement canadienne se décide depuis le siège pour répondre aux engagements financiers thématiques, ce qui freine la possibilité de mettre en place des stratégies adaptées au niveau local lorsque les priorités ne sont pas entièrement alignées. Grâce à de récentes réformes visant à accroître l’autorité financière du ministère, à renforcer la décentralisation et à améliorer la prévisibilité budgétaire pour les directions géographiques, Affaires mondiales Canada est mieux positionner pour accorder davantage de place aux perspectives locales dans la prise de décision.
L'appropriation peut être encore renforcée, notamment en tirant des enseignements des programmes pilotés localement. L'engagement direct du Canada auprès des administrations nationales et de la société civile locale est limité, car les incitations internes poussent le Canada à s'associer à des organisations établies. En 2023, seulement 3.1 % de l'APD bilatérale était acheminée par des canaux nationaux et locaux et le soutien direct aux gouvernements diminue au fil du temps. Les organisations multilatérales sont les partenaires privilégiés du Canada, mais le niveau élevé de préaffectation stricte (36.5 % de préaffectation à des projets en 2023) peut nuire à leur efficacité. Néanmoins, le Canada s'est efforcé de diversifier ses partenariats et de travailler avec des organisations locales et de petite taille dans le cadre de programmes tels que le Fonds canadien d'initiatives locales (FCIL) et Voix et leadership des femmes (VLF). Au-delà de ces programmes spécifiques, favoriser les programmes et projets qui prévoient que les intermédiaires transfèrent des financements de qualité (pluriannuels, souples, contribuant aux budgets centraux, etc.) pourrait contribuer à accélérer les progrès vers un développement piloté localement. En outre, le maintien et l'approfondissement du dialogue avec les autorités publiques peuvent favoriser l'appropriation et l'efficacité.
L'Initiative de transformation des subventions et contributions (ITSC) permettra d'accélérer les processus administratifs. L’initiative répond à un défi relevé en interne et par les partenaires. Parmi les mesures les plus importantes, citons le labo d’échec judicieux (FailSmart Lab), l'automatisation et la rationalisation des processus opérationnels, ainsi que la mise en place d’une gestion des risques au niveau de portefeuille d’activités, un changement culturel qui va au-delà des solutions techniques. L'ITSC vise également à faciliter l'accès aux financements canadiens à diverses organisations, y compris les petites et moyennes organisations, et à soutenir le développement piloté localement.
Dans un ministère intégré, il est nécessaire de veiller constamment à ce que l’expertise adéquate dans le domaine du développement se maintienne. AMC s'est engagé dans un processus de transformation portant sur la culture de l'organisation, ses ressources humaines, ses politiques, son organisation, ses processus et ses outils, afin de tirer parti des atouts d'un ministère intégré. L'existence d'un système de permutation du personnel chargé de l’aide internationale, l'actualisation du programme d'apprentissage professionnel de l'Institut canadien du service extérieur et l'élargissement de la gestion des talents semblent prometteurs. Il reste des défis à relever pour créer et récompenser de nouvelles compétences techniques et de niche, par exemple dans le domaine des financements innovants, pour offrir des possibilités d’avancement au personnel local et permettre au personnel non permuttant d’acquérir l'expérience des pays.
L’intégration des objectifs de développement dans les politiques commerciales, de développement et étrangères peut être le fruit d’une démarche plus volontaire. L'intégration plus poussée des volets commerce, affaires étrangères et développement au sein des directions géographiques et fonctionnelles est prometteuse pour la poursuite d'objectifs communs et le renforcement de la collaboration interne. Les politiques commerciales du Canada sont inclusives et tiennent compte de l'égalité des genres, des droits des Autochtones, des droits des travailleurs et de la protection de l'environnement. La mise en œuvre continue des engagements en faveur d'une conduite responsable des entreprises et la prise en compte des effets transnationaux des politiques commerciales pourraient contribuer à intégrer davantage les programmes commerciaux et politiques, tout en maintenant les objectifs de développement en tant que pilier de la politique étrangère.
La Politique d'aide internationale féministe (PAIF) du Canada place l'égalité des genres au cœur de son programme de développement, et renforce son leadership mondial en la matière. La démarche globale du Canada s’appuie sur des outils tels que l'analyse comparative entre les sexes Plus (ACS Plus), qui garantit que les projets prennent en compte les réalités de tous les individus. Les programmes sont conformes à la PAIF, et majoritairement mis en œuvre par des organisations multilatérales et de la société civile. L’atteinte des objectifs ambitieux fixés dans la PAIF exige des efforts soutenus, en particulier dans les contextes d'urgence, comme l'illustre la baisse à 59 %, en 2022-23, de la part de l'aide assortie d’objectifs d'égalité des genres, et ce, en raison de la faible importance accordée à cette question dans les prêts attribués à l'Ukraine. La mise en place de mécanismes, comme la nomination d’un champion de haut niveau, pourrait contribuer à protéger et à renforcer la priorité accordée à l'égalité des genres au sein du portefeuille de développement, y compris au-delà d'AMC.
Le Canada soutient et finance les organisations locales de défense des droits des femmes et les mouvements féministes. Les partenaires apprécient ce soutien dans un contexte géopolitique difficile. Le programme VLF incarne l'approche féministe du Canada et constitue un modèle pour les programmes féministes et pilotés localement, car il apporte un soutien substantiel et à long terme aux organisations de défense des droits des femmes. Si le programme a réussi à renforcer la capacité des organisations de défense des droits des femmes, il pourrait devenir plus inclusif en atteignant des groupes plus petits et marginalisés.
Le Canada accroit ses financements innovants. Le Canada capitalise sur sa participation aux instances multilatérales pour plaider en faveur de solutions de financements innovantes afin de combler les déficits de financement. Il s'appuie sur des initiatives financières telles que le programme d’innovation de l’aide internationale géré par AMC, et la recapitalisation de FinDev Canada, l'institution de financement du développement du Canada. La mise en place de formations et d’activités d’information sur l'innovation financière au sein d'AMC, au-delà de l'équipe spécialisée, permettrait de sensibiliser et d'intégrer plus largement les instruments innovants dans le portefeuille d'AMC et de les utiliser là où ils sont le plus nécessaires.
FinDev Canada réalise des progrès prometteurs en se concentrant sur l'investissement axé sur l’égalité des genres et sur les investissements durables. FinDev Canada fournit principalement des prêts directs (à hauteur de 91.6 %), suivis par de participation à des fonds d'investissement. FinDev Canada entend assurer l'additionnalité du développement et faire progresser le développement des marchés, l'action climatique et l'égalité des genres. L'élaboration d'un cadre global d'additionnalité pourrait permettre de définir et de mesurer plus explicitement les résultats en matière de développement. Alors que FinDev Canada continue de prendre de l'ampleur, il est temps de clarifier les mécanismes de complémentarité et de coordination entre AMC et FinDev Canada pour garantir une approche pangouvernementale, y compris en concentrant les actions d’AMC sur les environnements favorables à l'exploitation des ressources du secteur privé dans les contextes les plus difficiles.