Le rapport Examen du commerce international et du genre en Amérique latine passe en revue la participation des femmes au commerce international dans sept pays d’Amérique latine : l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Mexique et le Pérou. Il présente une analyse quantitative et qualitative de la place des femmes dans le commerce international au regard de trois de leurs rôles économiques — en tant que travailleuses, dirigeantes d’entreprise et consommatrices — et étudie les politiques commerciales qui les concernent le plus. L’Examen propose des mesures qui visent à mieux soutenir les femmes dans le domaine des échanges dans les sept pays étudiés, notamment : intégrer et appliquer des dispositions relatives à l’égalité des genres dans les accords commerciaux, soutenir les exportations des entreprises dirigées par des femmes, veiller à l’accès aux marchés pour les biens et services que les femmes produisent et consomment, assurer la cohérence entre les domaines d’action, notamment ceux qui visent à lutter contre l’économie informelle, et s’attaquer aux obstacles juridiques, réglementaires et structurels qui empêchent les femmes d’accéder à l’emploi et aux financements. Ces recommandations d’action ont pour objectif de faire en sorte que les femmes d’Amérique latine bénéficient des avantages du commerce international et contribuent à rendre leur région plus prospère et, partant, plus sûre et plus attractive pour y vivre et y travailler.
Examen du commerce international et du genre en Amérique latine

Résumé
Synthèse
Dans les sept pays d’Amérique latine étudiés dans le présent Examen, les femmes occupent moins d’emplois directement et indirectement liés aux échanges que les hommes, et les écarts entre les genres sont restés remarquablement stables au fil du temps. Les femmes sont jusqu’à 40 % moins susceptibles que les hommes d’occuper des emplois liés aux exportations. Elles occupent moins d’emplois produisant des biens et des services destinés à l’exportation (emplois directs dans le commerce) et également moins d’emplois produisant des biens et des services utilisés comme intrants dans la production d’exportations (emplois indirects dans le commerce). Cette situation est due en grande partie à la ségrégation professionnelle, les femmes travaillant davantage dans des secteurs qui font moins l’objet d’échanges internationaux, comme la santé, l’éducation, les administrations publiques et « d’autres services », principalement des services directs à la personne comme les salons de beauté, la garde des enfants ou la prise en charge des personnes âgées. Dans la mesure où les emplois liés au commerce international sont mieux rémunérés, plus productifs et plus susceptibles de relever du secteur formel que ceux qui produisent des biens et des services pour le marché intérieur, il résulte de la ségrégation professionnelle que les femmes ne bénéficient pas des avantages et des meilleurs salaires qu’offrent ces emplois liés aux échanges. Les femmes hautement qualifiées, en particulier, sont plus susceptibles de travailler dans des secteurs éloignés du commerce international.
Les entreprises qui font du commerce international sont plus performantes. Les femmes sont nettement moins susceptibles que les hommes de diriger une entreprise et les entreprises qu’elles dirigent sont nettement moins susceptibles de participer au commerce international. Dans les sept pays latino-américains étudiés, 10 % des entreprises dirigées par des femmes participent aux échanges internationaux, contre 14 % des entreprises dirigées par des hommes. Les entreprises latino-américaines, qu’elles soient dirigées par des femmes ou par des hommes, exportent moins que leurs homologues de la zone OCDE. L’écart entre les femmes et les hommes en matière d’exportation est toutefois plus faible dans les pays d’Amérique latine que dans l’OCDE, ce qui indique que les entreprises dirigées par des femmes ne sont pas les seules concernées par des niveaux plus faibles d’exportation.
Certains des défis auxquels les dirigeants d’entreprise déclarent être confrontés illustrent l’écart entre hommes et femmes en matière d’exportation. L’accès aux financements constitue une difficulté bien connue des femmes cheffes d’entreprise : elles indiquent notamment qu’il leur est plus difficile d’obtenir des financements pour les activités quotidiennes que leurs homologues masculins. Interrogées plus particulièrement sur les difficultés qu’elles rencontrent dans le cadre du commerce international, les femmes entrepreneures mentionnent plus souvent des problèmes tels que la méconnaissance des marchés étrangers, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’agir pour corriger les inégalités entre hommes et femmes en matière d’information. Les dirigeantes d’entreprise sont également plus susceptibles d’indiquer qu’il leur est difficile d’accéder à internet, notamment dans les pays où le haut débit fixe est plus coûteux par rapport aux revenus.
À l’aide d’un indicateur indirect de l’activité informelle conçu pour cet Examen, on constate que les entreprises dirigées par des femmes sont plus susceptibles que celles dirigées par des hommes de relever de l’économie informelle. En outre, les disparités entre les genres persistent dans ce contexte : les entreprises dirigées par des hommes, qu’elles relèvent du secteur formel ou informel, affichent une plus forte propension à exporter que celles dirigées par des femmes. Dans la mesure où les gains potentiels tirés du commerce international pourraient inciter les entreprises à intégrer l’économie formelle, les programmes qui encouragent cette transition pourraient être associés à des efforts visant à promouvoir les exportations et à accompagner les entreprises qui souhaitent se lancer dans l’export.
En majorité, les femmes travaillent et dirigent des entreprises du secteur des services. Les obstacles aux échanges de services peuvent accroître le coût de ces services, et donc nuire à la compétitivité des entreprises – qu’elles soient dirigées par des femmes comme par des hommes – en aval dans la chaîne de valeur.
Les entreprises dirigées par des femmes sont généralement plus petites et sont donc davantage pénalisées par la lourdeur, l’opacité et la longueur des procédures administratives aux frontières. Si leurs résultats en matière de facilitation des échanges restent inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE, l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Mexique et le Pérou affichent tous des résultats supérieurs à la moyenne de la région Amérique latine et Caraïbes, et équivalents ou supérieurs à la moyenne d’autres régions comme l’Asie-Pacifique, l’Europe et l’Asie centrale. Au cours des dix dernières années, le cadre d’action à l’appui de la facilitation des échanges n’a cessé de s’améliorer dans les sept pays étudiés. Ces progrès se traduisent par des procédures aux frontières plus efficientes dans bon nombre des pays étudiés, le secteur privé ayant enregistré des améliorations allant de 3 % à 20 % en ce qui concerne les formalités douanières depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges en 2017.
Le commerce international entraîne pour les consommateurs une baisse des prix et un plus grand choix de biens disponibles. En Amérique latine comme ailleurs, les ménages à faible revenu bénéficient davantage de tarifs douaniers bas ; de fait, les ménages situés dans le décile inférieur de la distribution des revenus perdent deux fois plus de pouvoir d’achat que ceux du décile supérieur du fait des hausses de prix induites par les droits de douane. Au Costa Rica, seul pays disposant de données ventilées par sexe sur les dépenses et les revenus des ménages, les habitudes de dépenses des ménages dirigés par des femmes et ceux dirigés par des hommes diffèrent quelque peu sur les biens de la vie courante, les dépenses liées à la voiture ou à l’eau par exemple, mais ces différences sont mineures par rapport à l'influence globale du revenu.
Les pays d’Amérique latine ont été les premiers à inscrire des chapitres et des dispositions sur l’égalité des genres dans leurs accords commerciaux, avec l’accord commercial signé en 2016 entre le Chili et l’Uruguay qui a été le premier à comprendre un chapitre sur l’égalité des genres. Sur les 87 accords commerciaux signés par l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Mexique et le Pérou, 40 contiennent des dispositions prenant explicitement en compte la question du genre. Tous les pays étudiés dans le présent Examen ont adhéré à l’Arrangement mondial sur le commerce et le genre (AMCG), accord de coopération qui vise à promouvoir une approche inclusive du commerce international, à éliminer les obstacles auxquels se heurtent les femmes pour accéder aux possibilités commerciales et à accroître le nombre de femmes entrepreneures dans le secteur du commerce international. L’AMCG représente une initiative emblématique, à la fois novatrice et de vaste portée, qui vise avant tout à améliorer l’accès des femmes aux opportunités commerciales.
La dernière section du présent Examen propose des domaines dans lesquels des réformes pourraient être menées afin de mieux soutenir l’égalité des genres dans le secteur du commerce international. Il s’agit notamment de rendre les accords commerciaux plus inclusifs, de prendre en compte les questions d’accès aux marchés, de soutenir l’élaboration de politiques tenant compte de la question du genre, de mener des réformes de facilitation des échanges, de formuler des recommandations à l’intention des organismes de promotion des échanges et des réseaux professionnels, ainsi que de développer les données ventilées par sexe. En outre, la capacité des femmes à participer au commerce international dépend des politiques nationales. Il s’agit notamment des lois et politiques visant à réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes, à protéger les travailleurs contre le harcèlement sexuel, à encourager la communication d’informations sur la parité au sein des conseils d’administration et des instances dirigeantes des entreprises, à garantir l’accès aux financements et à réduire les coûts d’accès aux réseaux et services numériques. Il convient également de rendre possible un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, que les femmes ont plus de mal à atteindre compte tenu de longues heures de travail et de fortes disparités entre les genres en matière de travail non rémunéré. En outre, il sera nécessaire de lutter contre le fléau des violences sexistes afin de créer un cadre dans lequel les femmes puissent s’épanouir en Amérique latine et tirer parti des opportunités économiques, notamment par la voie du commerce international.
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