Josep Roig
Perspectives régionales de l'OCDE 2016

Chapitre 7. Le financement des administrations infranationales et locales : Le chainon manquant du financement du développement1
Abstract
Il est essentiel de libérer le potentiel des territoires au niveau local pour assurer le financement des investissements qu’il est urgent de réaliser afin d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) et de répondre aux besoins des populations. Les débats internationaux consacrés au développement accordent une attention grandissante au financement du développement au niveau des villes ; pour autant, les administrations locales ne sont toujours pas considérées comme des acteurs incontournables de ces débats. Il conviendrait dans un premier temps d’améliorer la mobilisation des ressources endogènes locales, en développant la fiscalité locale, en recourant au financement par le foncier et à l’imposition des activités économiques, dans l’objectif de parvenir à une plus grande autonomie budgétaire locale. Ensuite, des systèmes de garanties devraient faciliter la mobilisation de ressources extérieures – qui englobent les capitaux privés, le financement climatique et l’emprunt – en faveur du financement à long terme des infrastructures.
par Josep Roig, Secrétaire Général, Cités et Gouvernements Locaux Unis
Introduction
Les débats relatifs au nouveau programme d’action en matière de développement durable2 qui se déroulent actuellement sur un mode intensif resteront lettre morte si l’on ne parvient pas à dégager les financements appropriés et à renouveler les dispositifs de financement. Si le rôle de premier plan que seront amenées à jouer les administrations locales et régionales dans la réalisation des ODD est désormais largement reconnu, une incertitude subsiste quant à la mise en œuvre réelle des politiques et des infrastructures nécessaires pour atteindre ces objectifs et accomplir la transition vers l’instauration de territoires régionaux verts et inclusifs.
Le financement, la planification inclusive et les cadres de gouvernance pluriniveaux sont les trois principaux leviers de transformation de la mise en œuvre sur lesquels nous devons agir. La gouvernance pluriniveaux assure un dialogue structuré entre les différents échelons de l’administration, et entre les administrations infranationales elles-mêmes, et garantit ainsi la cohérence et les synergies entre les objectifs et les politiques des échelons national et infranational. Le financement local doit de son côté reposer sur des plans d’investissement pluriannuels et des stratégies à long terme ancrées dans des politiques de planification inclusives et flexibles.
Les travaux de Cités et Gouvernements locaux Unis (CGLU) visent à faire entendre la voix des administrations locales et régionales sur la scène internationale du développement, afin de veiller à ce que les quatre piliers du développement durable, à savoir ses dimensions économique, sociale, environnementale et culturelle, soient pris en compte dans les stratégies de développement territorial. Les cités et les territoires sont les endroits où vivent les individus, l’échelon dans lequel s’inscrivent la lutte contre la pauvreté et la production de richesse, où l’accès aux droits fondamentaux doit être garanti par l’accès à la santé, à la culture, aux services culturels et d’éducation, et où les écosystèmes sont protégés. Conséquence de nombreuses décennies de sous-investissement chronique dans le développement urbain, des investissements publics et privés massifs seront nécessaires pour améliorer l’accès aux services de base à cet échelon afin d’éradiquer la pauvreté, de faire face aux impacts des changements climatiques et de préparer les villes à accueillir et protéger les droits des 2.5 milliards de nouveaux habitants qui s’y installeront au cours des 30 prochaines années, pour la plupart dans les pays en développement.
D’après un certain nombre d’études, les sommes actuellement allouées à ces investissements devront être en moyenne multipliées par deux, voire par trois, au cours des vingt prochaines années, de manière à relever ces défis. Les besoins en investissements de l’Afrique sub-saharienne au cours des prochaines années s’élèveront vraisemblablement à quelque 93 milliards USD par an, alors que les sommes actuellement investies atteignent à peine 45 milliards USD chaque année (Foster et Briceño-Garmendia, 2010). Si l’on prend en compte les coûts supplémentaires liés aux changements climatiques, c’est une somme trois fois supérieure qui sera nécessaire. D’après une estimation du Forum économique mondial de 2013, le « manque d’investissement » dans les infrastructures vertes pourrait atteindre jusqu’à 700 milliards USD par an. De même, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué que les montants investis chaque année pour faire face aux conséquences et aux défis posés par les changements climatiques s’élèvent à près de 360 milliards USD – une somme colossale qui ne représente pourtant qu’un peu plus du tiers des 1000 milliards USD nécessaires chaque année d’ici 2050.
Dans le Rapport de synthèse du Secrétaire général sur le programme de développement durable pour l’après-2015 (2014), les Nations Unies ont estimé que sous l’effet du processus de décentralisation à l’œuvre à l’échelon mondial, caractérisé par le transfert de compétences majeures, notamment la fourniture des services de base, aux administrations locales et régionales, « c’est au niveau sous-national que de nombreux investissements seront réalisés en faveur du développement durable et que ce sont les autorités locales qui en prendront l’initiative ». Or, ces transferts de compétences ne s’accompagnent que très rarement des dotations financières et en ressources humaines nécessaires pour exercer ces nouvelles missions.
Le financement des administrations locales est le chaînon manquant du financement du développement durable, et nous devons œuvrer en faveur de la création de dispositifs financiers visant à libérer le potentiel économique des régions et des territoires urbains. À cette fin, la Global Task Force des gouvernements locaux et régionaux, un groupe rassemblant plus de 30 réseaux bénéficiant du soutien de CGLU, mobilise ses États membres et ses partenaires afin de venir à l’appui de la mise en œuvre de dispositifs financiers adaptés à l’échelon local.
Le déséquilibre à l’échelle mondiale entre les responsabilités des administrations locales et leurs ressources financières est à l’origine du déficit d’infrastructures
La mobilisation des ressources locales et régionales devient un enjeu fondamental pour de nombreux pays qui connaissent une urbanisation rapide. Les acteurs des débats menés à haut niveau utilisent de plus en plus les termes « endogène » et « domestique » afin d’englober la totalité des ressources pouvant être mobilisées. Ces ressources proviennent de la concentration des facteurs de production, de la richesse et des activités économiques menées au sein des centres urbains et des zones métropolitaines du monde entier. Les villes sont les moteurs de la croissance et représentent la plus grande partie des investissements dans les réseaux de services publics sur lesquels repose l’attractivité des centres urbains pour les ménages et les entités privées. Il convient de reconnaître pleinement leur rôle consistant à promouvoir des politiques équitables, responsables et innovantes à l’appui du développement économique, qui répondent aux besoins de leurs habitants.
Or, elles ne disposent ni de l’autonomie budgétaire, ni des instruments financiers appropriés nécessaires pour leur assurer un retour sur investissement équitable de leur contribution. Confrontées au double défi d’une croissance démographique urbaine rapide et de l’impact de la pollution et des risques de catastrophe, les administrations locales sont en outre souvent dépourvues des sources de recettes qui leur permettraient de faire face à leurs responsabilités croissantes. Cette inaction a un coût : économique, en raison de la perte de revenu due au ralentissement des infrastructures ; social, avec le creusement des inégalités et les troubles sociaux ; et environnemental, les dommages irréversibles ayant des retombées négatives sur les conditions de vie.
L’une des principales difficultés auxquelles se heurtent les actions visant à relever ces défis a trait à la grande diversité des systèmes de financement des administrations locales dans le monde entier.
Le financement des administrations locales est étroitement lié, entre autres, au contexte institutionnel national et local, à l’histoire, à la culture et à la situation politique, et les dépenses locales doivent répondre aux besoins spécifiques sur le terrain. Ainsi à la fin des années 2000, les dépenses annuelles des administrations locales s’élevaient aux environs de 3 000-4 000 USD par habitant aux États-Unis et en Europe, mais atteignaient à peine 36 USD en Afrique. En Eurasie, le budget annuel moyen des administrations locales en matière de dépenses par habitant s’établit autour de 232 USD ; contre 133 USD en Amérique latine ; et 92 USD dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire d’Asie (CGLU, 2013). Il s’agit d’un domaine extrêmement contrasté et productif, qui présente un potentiel élevé d’innovation mais dans lequel il est par conséquent difficile de prôner l’adoption d’un modèle unique. C’est la raison pour laquelle nous nous attachons à mettre en évidence des principes fondamentaux clés, notamment dans le domaine économique, à partir desquels CGLU formule ses recommandations à l’appui de la décentralisation budgétaire.
Ce déséquilibre provient essentiellement du partage inéquitable des ressources financières nationales. Selon le contexte économique, les transferts interadministrations sont des dispositifs clés garants de la solidarité nationale et de l’atténuation des inégalités horizontales que peut provoquer la décentralisation. Toutefois, les systèmes de redistribution aux administrations locales via les transferts et les subventions ne garantissent pas une répartition équitable, en raison du manque de redevabilité, de transparence et de données fiables aux échelons national et international. En outre, dans le contexte actuel de décentralisation et d’austérité budgétaire que connaissent la majorité des pays, les finances locales sont considérées comme des variables d’ajustement et le développement local comme une source de débouchés potentiels pour les entreprises privées.
Le recensement quelque peu aléatoire des besoins des différents territoires est un autre facteur à l’origine du manque d’uniformité des dispositifs de péréquation. Or, sans connaître précisément les coûts, il est difficile de prendre des décisions éclairées, et de financer correctement les besoins (mandats non financés). Le manque de clarté au niveau des responsabilités dévolues aux administrations locales est aggravé par les répercussions de l’inadéquation entre les frontières des juridictions administratives locales, le développement économique et les plans résidentiels.
S’il est essentiel de disposer de données fiables et comparables sur les finances infranationales, la gamme des instruments pouvant nous permettre de nous faire une meilleure idée de la santé financière des administrations infranationales, notamment des villes, est très limitée. CGLU, en coopération avec l’OCDE et l’Agence française de développement (AFD), procède à une étude de préfiguration pour la mise en place d’un observatoire mondial des finances des administrations infranationales. Chargé de recueillir des données financières et des informations qualitatives, l’observatoire identifiera les capacités financières concrètes dont disposent les administrations locales pour mettre en œuvre les recommandations de la communauté internationale relatives au développement urbain.
Le financement des villes par les villes : Reconnaître le rôle des administrations locales pour promouvoir les politiques de développement
Afin de pallier ce manque, des systèmes locaux et durables d’autofinancement devraient apporter aux administrations locales la prévisibilité nécessaire concernant leurs ressources et leur permettre ainsi de planifier de manière optimale leurs décisions relatives aux stratégies d’investissement des villes. En d’autres termes, il faut aider les villes à mieux se financer. Il s’agit notamment de renforcer le soutien au financement local en lien avec les revenus fonciers et immobiliers, ainsi que la productivité de l’économie des villes. L’histoire du développement urbain démontre l’efficacité de cette stratégie, en particulier pour les villes dynamiques sur le plan économique et qui connaissent une croissance rapide.
À l’heure actuelle, les dispositifs qui permettraient aux autorités publiques locales d’utiliser une partie de la richesse produite dans leur juridiction pour investir dans les infrastructures locales font encore défaut dans de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. La fiscalité locale y demeure sous-développée, et il manque souvent les outils et les compétences nécessaires pour récupérer une partie des plus-values foncières et issues des activités économiques. Les systèmes fiscaux locaux sont trop dépendants des taxes foncières, qui ont de faibles performances et un coût politique élevé. Il est par conséquent impératif de diversifier les instruments budgétaires et certains pays autorisent dans les faits les autorités locales à bénéficier de la croissance économique locale via l’imposition des activités économiques ou du revenu des personnes physiques, alors que d’autres ont recours à des taxes sur les ventes de produits de consommation3. Élargir l’assiette fiscale au niveau local en investissant dans l’effectif municipal, la formation et les nouvelles technologies peut également se traduire par une amélioration rapide de la collecte de l’impôt.
Permettre aux villes de récupérer une partie de la valeur ajoutée foncière et immobilière attribuée à l’investissement public, par exemple dans les réseaux routiers ou de nouveaux équipements, est une autre méthode qui offre des perspectives intéressantes en matière de financement des investissements urbains. Elle est particulièrement pertinente dans les pays qui connaissent une croissance urbaine rapide, car elle génère des recettes immédiates considérables qui diminuent la dépendance à l’égard de la dette. Elle contribue également à renforcer l’efficience des marchés fonciers urbains et à orienter la croissance urbaine sur les régions les plus à même de s’y adapter. Des expériences menées récemment donnent à penser que la contribution foncière en valeur ajoutée pourrait représenter entre 10 % et 50 % de l’investissement public consenti dans le cadre de projets de développement ou de restructuration urbaine.
Le recours à ces outils doit s’accompagner de réglementations et de dispositifs participatifs bien adaptés, et d’une connaissance approfondie de leur impact et des conséquences qu’ils pourraient avoir sur la société et l’environnement. Les autorités locales doivent réformer les droits fonciers et se doter de stratégies de planification inclusives ainsi que des instruments nécessaires, tels que des registres cadastraux mis à jour, des systèmes de comptabilité et des réseaux électroniques.
Combler le déficit en infrastructures et financer les services de base en favorisant l’accès aux ressources externes
Si les ressources endogènes sont l’un des piliers de la santé financière des administrations locales, elles alimentent aussi les capacités de remboursement et, de fait, favorisent l’accès aux ressources externes permettant de mobiliser les montants d’investissements nécessaires pour répondre efficacement à leurs besoins, en fonction de leur degré d’urgence et de leur ampleur. Sachant que les conditions financières à l’échelon mondial, caractérisées par de faibles taux d’intérêt et une épargne abondante sont favorables à l’investissement à long terme, les administrations locales devraient avoir accès à un préfinancement à long terme, sous la forme de prêts directs ou de contributions des capitaux privés (y compris de structures ad hoc, de partenariats public-privé ou d’installations d’infrastructures).
Dans de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, toutefois, les cadres juridiques continuent de contraindre le recours à l’emprunt des administrations locales. Des cadres institutionnels restrictifs, une faible solvabilité et des contraintes administratives locales entravent l’accès des administrations locales au financement hors des zones métropolitaines et des grandes villes. Les investisseurs privés et les institutions financières réclament aux administrations locales une gestion financière avisée, une stabilité à long terme et la capacité de générer des revenus sur la durée. De même, les investisseurs qui financent directement un service public mettent en œuvre des mesures de contrôle préalable destinées à garantir les performances et la rentabilité sur le long terme. Les banques internationales et régionales de développement ont également un rôle essentiel à jouer dans le financement des infrastructures nécessaires aux services de base dans les régions urbaines. Or, elles n’accordent que rarement des prêts directement aux administrations locales, à l’exception de l’Agence française de développement qui évolue dans cette direction. Ces établissements peuvent jouer un rôle de levier fondamental pour les administrations locales et régionales, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu.
Les institutions d’intermédiation financière telles que les institutions financières spécialisées, les entreprises municipales ou les banques obligataires, peuvent renforcer l’accès des administrations locales de toute taille au financement extérieur, en particulier par une mise en commun des ressources, et contribuer à remédier au décalage entre la durée requise par les investisseurs et la dépréciation des investissements urbains.
En l’absence de telles institutions, il convient de prendre des mesures pour en créer, de renforcer les capacités et la solvabilité locales, d’élaborer des dispositifs appropriés de garantie afin de protéger les investisseurs et d’orienter l’épargne mondiale, publique et privée, en direction de l’échelon local. Ces dispositifs ont certes un coût, mais ils peuvent représenter une solution stratégique pour permettre à l’aide publique au développement (APD) et aux financements climatiques d’exercer un effet multiplicateur sur les montants soulevés.
L’accès des administrations locales aux dispositifs mondiaux, régionaux et nationaux de financement du changement climatique – par exemple, le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour l’environnement mondial – peut avoir un effet déclencheur sur les investissements dans les infrastructures d’atténuation et d’adaptation. Les gouvernements nationaux doivent par conséquent associer les autorités locales à la conception des dispositifs financiers et à leur gestion, et les aider à mettre en œuvre des projets respectueux du climat.
Vers des administrations locales compétentes sur le plan budgétaire et des institutions financières locales et régionales efficaces
Dans ce contexte, il devrait être prioritaire, à l’échelon national et international, de renforcer les capacités institutionnelles des administrations locales. Les cadres juridiques, institutionnels et financiers de décentralisation sont fondamentaux pour instaurer des environnements propices aux autorités locales. Les gouvernements centraux doivent impérativement s’engager à soutenir les administrations locales, en attachant une priorité particulière au risque et à la fiabilité, leur soutien ayant un impact direct sur l’accès des autorités locales aux ressources adéquates.
Premièrement, les gouvernements et les organisations internationales ont un rôle important à jouer dans la mise en place d’un environnement favorable et de cadres juridiques destinés à doter les administrations locales de compétences budgétaires accrues, à améliorer l’efficacité des institutions financières locales via des réformes de la décentralisation, et à lutter contre la corruption. De telles réformes peuvent aboutir à la création de cadres juridiques et réglementaires pour les partenariats public-privé, permettre de dégager des subventions et d’améliorer les termes du crédit pour le développement des projets d’infrastructure, protéger les investisseurs et contribuer à l’essor des marchés obligataires infranationaux. L’aide allouée via les dispositifs prudentiels favorise le renforcement des relations de confiance entre les investisseurs et la demande de ressources à long terme. Elle porte aussi sur la maturation de systèmes budgétaires intergouvernementaux plus vastes, par des réformes axées sur la transparence, le suivi et l’évaluation, et sur la simplification des impératifs institutionnels pour les administrations locales et régionales.
Deuxièmement, l’accompagnement des administrations locales en matière d’accès aux ressources externes dépend fortement du soutien qui leur est apporté au niveau de la préparation des projets, de manière à les aider à concevoir des projets attractifs qui répondent aux besoins des investisseurs. Il est particulièrement difficile pour les projets portant sur de faibles émissions ou sur la résilience au changement climatique de répondre aux critères définis par les investisseurs. En effet, la Banque mondiale estime que les coûts de préparation des projets représentent entre 5 % et 10 % de leur coût total (CCFLA, 2015). Les structures de préparation de projets peuvent œuvrer à la modification des critères de sélection afin d’améliorer la prise en compte par les projets traditionnels d’infrastructure de considérations liées à la durabilité. À cet égard, il est souvent nécessaire, dans les pays en développement, de mettre en place des opérateurs spécialisés et de les faire participer à ces structures, afin d’accompagner les activités de développement urbain et la fourniture de services urbains de base, qui peuvent prendre la forme d’entreprises publiques ou semi-publiques.
Dans un environnement mondial et local de plus en plus complexe, caractérisé par la multiplicité des parties prenantes, des approches globales, des contraintes et des réglementations de grande ampleur, il est également fondamental que les directeurs financiers des villes et leurs équipes améliorent leurs compétences. Les moyens doivent leur être donnés de négocier des partenariats convenablement structurés avec des acteurs privés, dont les risques seront équitablement répartis entre tous les participants et qui dureront pendant tout le cycle du projet. Une gestion transsectorielle doit en outre être mise en œuvre pour garantir la cohérence des politiques locales. À cette fin, le renforcement des capacités de gestion financière et la promotion de l’innovation via un apprentissage empirique et des échanges entre pairs sont indispensables pour donner davantage d’autonomie aux autorités locales.
Enfin, il convient de souligner le rôle crucial que peut avoir l’impulsion politique pour les villes des pays développés et en développement, afin de leur permettre de saisir directement les opportunités économiques et d’assumer des responsabilités budgétaires, lorsqu’elles bénéficient de la légitimité locale, des institutions et du soutien nécessaires de la population. C’est le cas d’Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, qui abrite plus de la moitié de la population du pays.
Donner les moyens aux autorités locales de jouer un rôle central dans la transition vers des territoires durables
Les résolutions et déclarations auxquelles ont récemment abouti les négociations internationales comportent de nombreuses références aux autorités locales. Le paragraphe 33 du Programme d’action d’Addis-Abeba met en avant le renforcement de l’autonomie financière et une planification urbaine intégrée au niveau local comme éléments essentiels pour le développement durable. Il souligne l’importance des liens entre régions urbaines et rurales, ainsi que de l’amélioration de la gestion de la dette, du renforcement des marchés d’obligations municipales ou des institutions financières. L’avant-projet de la Conférence Habitat III mentionne également les autorités locales pour ce qui est du financement, des dispositifs de suivi des progrès et de reddition de comptes, ainsi que du renforcement des capacités.
Toutefois, le cadre global ne reconnaît toujours pas les autorités locales comme des acteurs de premier plan de ces débats internationaux. Le développement international s’oriente progressivement vers le financement des échelons municipaux, en raison essentiellement des engagements conjoints pris par des réseaux d’administrations locales et régionales, les organismes des Nations Unies et leurs États membres. Malgré cela, les acteurs locaux restent en arrière-plan des négociations. La question des politiques budgétaires locales relève principalement des gouvernements des États membres et se traite en lien étroit avec celle de la décentralisation. La seule façon pour les représentants locaux élus de prendre part aux négociations officielles est d’appartenir à une délégation nationale, alors qu’ils sont nombreux à vouloir s’engager et participer à ces enjeux.
Leur situation contraste fortement avec celle de deux autres acteurs importants non-étatiques – la société civile et les entreprises – qui se sont vu confier des rôles spécifiques et sont désormais invités aux tables rondes des négociations financières. Les initiatives de ces acteurs non-étatiques visent à donner davantage d’unité et de visibilité à des groupements d’acteurs allant des administrations locales à la société civile et aux entreprises, comme lors du sommet Climate chance, qui se tiendra préalablement à la COP22. D’un autre côté, les autorités locales doivent coopérer avec les entreprises et les comités de la société civile pour avoir un siège aux négociations officielles relatives au financement du développement.
Les débats en cours font partie intégrante du travail de définition du Programme de développement pour l’après-2015. Ils n’atteindront toutefois pas leurs objectifs si les échelons nationaux n’accordent pas suffisamment d’attention au financement des échelons locaux et sans la formulation de recommandations audacieuses à l’appui du renforcement des systèmes concernés. La collaboration entre CGLU et l’OCDE envoie un signal fort et témoigne de la prise de conscience croissante du rôle que les territoires ont à jouer dans les politiques de développement. Le Secrétariat mondial de CGLU partage les valeurs énoncées dans la Recommandation de l’OCDE sur l’investissement public efficace entre niveaux de gouvernement, qui met l’accent sur le rôle que doivent jouer tous les niveaux de gouvernement pour garantir un investissement de qualité à l’appui du développement. Le dialogue entre les niveaux de gouvernement est indispensable pour l’élaboration de stratégies de développement globales. Ce dialogue doit associer les représentants locaux et faire participer les associations nationales d’autorités locales, et avoir la légitimité politique nécessaire pour garantir la conformité entre les priorités nationales et les mesures propres à répondre aux besoins des habitants.
Bibliographie
AGNU (2014), « La dignité pour tous d’ici à 2030 : éliminer la pauvreté, transformer nos vies et protéger la planète », Rapport de synthèse du Secrétaire général sur le programme de développement durable pour l’après-2015, A/69/700, Assemblée générale des Nations Unies, www.un.org/en/development/desa/publications/files/2015/01/SynthesisReportFRE.pdf.
CCFLA (2015), The State of City Climate Finance 2015, Cities Climate Finance Leadership Alliance, New York, www.citiesclimatefinance.org/wp-content/uploads/2015/12/CCFLA-State-of-City-Climate-Finance-2015.pdf.
CGLU (2013), Third Global Report on Local Democracy and Decentralization: Basic Services for All in an Urbanizing World: GOLD III, Cités et Gouvernements Locaux Unis, Barcelone.
Foster, V. et C. Briceño-Garmendia (2010), Africa’s Infrastructure: A Time for Transformation, Agence Française de Développement et Banque mondiale, Washington, DC, http://siteresources.worldbank.org/INTAFRICA/Resources/aicd_overview_english_no-embargo.pdf.
Notes
← 1. Ce chapitre ne doit pas être présenté comme exprimant les vues officielles de l’OCDE ou de ses pays membres. Les opinions exprimées et les arguments employés sont ceux des auteurs.
← 2. Financement du développement, Objectifs de développement durable, négociations sur le climat, Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, Conférence Habitat III.
← 3. Le Brésil, la Chine et la Colombie, par exemple, ont instauré divers types d’impôts locaux reposant sur les activités économiques ; plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont pour leur part recours à une taxe ou une surtaxe locale sur le revenu des personnes physiques ; les taxes sur les ventes locales sont notamment utilisées au Canada et aux États-Unis. Le Maroc alloue 30 % de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux administrations locales, sous la forme de transferts.