« Nous sommes les enfants d’une ère technologique. Nous avons rationalisé l’exécution de la plupart de nos tâches quotidiennes. Le tirage papier n’est plus l’unique mode de reproduction des livres. Leur lecture, néanmoins, n’a pas changé. » Lawrence Clark Powell L’innovation technologique constante fait évoluer les marchés du travail dans le monde entier. Appréhender l’avenir de l’emploi à l’ère numérique implique de se détacher de la traditionnelle distinction entre secteurs manufacturier et non manufacturier. La différenciation s’opère aujourd’hui en fonction du caractère routinier ou non des tâches : les travailleurs moyennement qualifiés qui effectuent des tâches répétitives sont davantage susceptibles d’être remplacés par un ordinateur, plus efficace, tandis que la part des emplois impliquant des tâches non routinières augmente. Une étude intitulée Future of Work in the Digital Age, réalisée par la KU Leuven et l’université d’Utrecht pour la publication flexibility@work 2016 de Randstad, analyse la transition amorcée sur le marché du travail. Les chercheurs ont examiné deux phénomènes connexes : la désindustrialisation et la polarisation des emplois dans les pays de l’OCDE. Ces phénomènes façonnent le nouveau visage d’un marché du travail en pleine transition, marqué à la fois par le déclin du secteur manufacturier dans les pays développés et la croissance des services, avec d’un côté des emplois à faible technicité et bas salaire et, de l’autre, des emplois à haute technicité, fortement rémunérés. La polarisation des emplois se manifeste par une progression dans l’économie des professions les mieux et les moins bien rémunérées, au détriment de celles du milieu de l’échelle. Si de nombreux marchés et emplois se créent à la faveur de l’économie numérique, beaucoup de métiers vont disparaître ou devront subir de profondes mutations. Les emplois à rémunération moyenne, tels que ceux des opérateurs et assembleurs de machines, des employés de bureau, ou des chargés de service clientèle, sont menacés par l’automatisation, la robotisation ou l’externalisation. L’étude montre que ce phénomène vaut pour tous les pays développés et n’épargne aucun secteur – touchant particulièrement l’industrie manufacturière. À cela s’ajoute un deuxième type de polarisation, caractérisé par une concentration des emplois dans les secteurs les plus innovants ou à haute technicité, et dans ceux qui le sont le moins. Les économies développées voient de plus en plus l’investissement dans les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathémathiques – les STIM – comme un moyen de stimuler l’innovation et la croissance économique. Les entreprises des secteurs de pointe créent des emplois à haute technicité dans les STIM, généralement plus productifs, et génèrent par conséquent de la demande. Elles tendent à se concentrer dans des pôles technologiques, où leurs employés sont susceptibles de consacrer une partie de leurs hauts revenus à des services locaux non routiniers. L’étude montre que la création d’un emploi dans la haute technologie génère 2,5 à 4,4 emplois supplémentaires dans les autres secteurs de ces régions. Cette information mérite d’être soulignée car, contrairement à ce qu’affirment certains, stimuler la création d’emplois de haute technicité soutient l’emploi moins qualifié, plutôt que de lui nuire. L’emploi progresse dans de nombreuses régions, au point que les entreprises ne parviennent pas à recruter, car même les candidats hautement qualifiés ne disposent pas des compétences adaptées aux postes à pourvoir. Les employeurs reprochent aux systèmes éducatifs actuels d’enseigner les compétences d’hier aux diplômés de demain. Beaucoup s’inquiètent du manque de compétences personnelles – qualités relationnelles, communication, capacité d’analyse et de résolution de problèmes. Cela montre clairement que les emplois dans les secteurs en croissance comme la santé, l’éducation et d’autres services en personne exigent des compétences différentes de celles qu’avaient acquises les travailleurs issus des secteurs en déclin tels que l’agriculture ou l’industrie manufacturière. Les évolutions de l’ère numérique posent des questions de fond sur l’adaptation de la politique du marché du travail et des institutions, ainsi que la garantie de conditions de travail souples et d’une protection sociale acceptables. Il s’agit d’améliorer les opportunités en profitant du potentiel offert par de nouveaux modes de travail, tout en donnant à la main-d’œuvre une sécurité suffisante. Comme l’indiquent les auteurs, dans le contexte de l’évolution technologique, la différence se fait sur les compétences – pour ne pas dire le caractère routinier. Le paradoxe vient de notre méconnaissance de la façon dont de nombreuses tâches sont accomplies, particulièrement celles qui nécessitent une intervention humaine et des aptitudes relationnelles. Ces tâches, qui demandent généralement peu d’efforts humains, restent particulièrement difficiles à transcrire en langage informatique. Nous devons devenir aussi innovants dans la création d’emplois de qualité que nous le sommes dans le développement de produits et services novateurs. Quelles sont les compétences nécessaires pour ces tâches non routinières ? Comment faire pour que les dirigeants, les décideurs et les responsables des systèmes éducatifs travaillent ensemble dans ce but ? Si notre approche n’évolue pas, les citoyens seront privés des possibilités de développer les aptitudes dont ils ont besoin à l’ère numérique. Voir www.randstad.com Randstad est un sponsor du Forum de l'OCDE 2016
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