Les algorithmes sont au cœur de l’apprentissage automatique, lequel est lui-même au cœur du monde actuel - des achats en ligne à la collecte de renseignements. Pourtant, la plupart d’entre nous ne savent que très peu de choses sur ces puissants outils et leur fonctionnement. Est-ce bien sage ? Peut-être l’ignorez-vous, mais l’apprentissage automatique est partout. Lorsque vous faites une requête sur un moteur de recherche, il détermine les résultats (et les annonces publicitaires) qui vous sont présentés. Lorsque vous consultez vos e-mails, la plupart des courriers indésirables n’apparaissent pas car l’apprentissage automatique les a filtrés. Vous achetez un livre sur Amazon ou regardez une vidéo sur Netflix : un système d’apprentissage automatique vous recommande d’autres produits susceptibles de vous plaire. Facebook et Twitter aussi y ont recours pour choisir les publications qui s’afficheront pour vous. Chaque fois que vous utilisez un ordinateur, il y a fort à parier que l’apprentissage automatique intervient à un moment ou à un autre. Jusqu’à présent, le seul moyen pour faire exécuter une tâche à un ordinateur (de la simple addition au pilotage d’un avion) était d’écrire un algorithme détaillant méticuleusement la procédure à suivre. Les algorithmes d’apprentissage automatique sont différents : ils comprennent seuls ce qu’il faut faire, en procédant à des déductions à partir de données. Et plus ils disposent de données, plus ils s’améliorent. Plus besoin de programmer les ordinateurs : ils se programment eux-mêmes. Et cela ne concerne pas uniquement le cyberespace. L’apprentissage automatique intervient à chaque étape de notre vie : pour noter les examens d’entrée à l’université, sélectionner les candidats à l’embauche, choisir des valeurs boursières, diagnostiquer des maladies ou faciliter les rencontres amoureuses. La société évolue, à mesure que de nouveaux algorithmes apparaissent. L’apprentissage automatique révolutionne la science, la technologie, les affaires, la politique et la guerre. Satellites, séquenceurs d’ADN et accélérateurs de particules explorent la nature dans ses moindres détails, et les algorithmes d’apprentissage transforment ces flots de données en savoir scientifique nouveau. Les entreprises connaissent leurs clients mieux que jamais et les politiques en savent davantage sur leurs sympathisants. Des véhicules parcourent la terre, les mers et le ciel sans intervention humaine. Personne n’a entré vos préférences dans le système de recommandations d’Amazon ; il s’est servi de votre historiqued’achats pour les définir seul. La voiture autonome de Google a elle-même appris à suivre la route ; aucun ingénieur n’a écrit d’algorithme lui expliquant comment aller d’un point A à un point B. L’apprentissage automatique n’a aucun précédent dans l’histoire : c’est une technologie qui se façonne toute seule. Depuis que nos lointains ancêtres ont taillé des pierres pour en faire des outils, l’homme a toujours fabriqué les objets. Un algorithme d’apprentissage est comparable à un maître artisan : chacune de ses créations est unique et parfaitement adaptée aux besoins du client. Mais au lieu de transformer la pierre en bâtiment ou l’or en bijou, il transforme les données en algorithmes. Et plus il dispose de données, plus les algorithmes sont complexes. L’homme est une espèce qui adapte le monde à ses besoins plutôt que l’inverse. L’apprentissage automatique est donc le chapitre le plus récent d’une histoire vieille d’un million d’années : avec cet outil, le monde connaît vos désirs et évolue en conséquence, sans le moindre effort de votre part. Comme dans une forêt enchantée, tout ce qui vous entoure (aujourd’hui dans le monde virtuel, demain dans le monde physique) change à mesure que vous avancez. Le chemin que vous empruntez entre les arbres devient une route, et des panneaux indiquant la bonne direction surgissent lorsque vous êtes perdus. Ces technologies qui semblent relever de la magie fonctionnent grâce aux prédictions sur lesquelles repose l’apprentissage automatique. Nos désirs, les résultats de nos actions, le moyen d’atteindre nos objectifs, la façon dont le monde évolue : tout est prédit. Jadis, nous nous en remettions aux sorciers et aux devins, mais ils tombaient rarement juste. La science offre des prédictions plus fiables, mais limitées à ce qui peut être observé de manière systématique et modélisé. Les mégadonnées et l’apprentissage automatique repoussent ces limites. Certaines actions du quotidien peuvent être prédites sans l’aide de la technologie, comme le fait que quelqu’un rattrapera une balle ou continuera une conversation. D’autres, malgré tous nos efforts, restent imprévisibles. Pour tout le reste, il y a l’apprentissage automatique. Paradoxalement, s’ils nous ouvrent de nouvelles perspectives sur la nature et sur le comportement humain, les algorithmes d’apprentissage restent eux-mêmes nimbés de mystère. Chaque jour ou presque, l’apprentissage automatique fait l’actualité : une entreprise technologique crée un assistant virtuel ; le programme AlphaGo de Google bat le champion du monde de go ; le distributeur américain Target sait, avant ses parents, qu’une adolescente est enceinte ; et la NSA (l’Agence nationale de sécurité américaine) cherche des liens entre les évènements. À chaque fois, l’algorithme qui se cache derrière reste une énigme. Même les ouvrages sur les mégadonnées n’expliquent pas ce qui se produit réellement lorsque l’ordinateur, ayant digéré des téraoctets de données, fait comme par magie de nouvelles propositions. Au mieux, on se dit que les algorithmes d’apprentissage établissent simplement des corrélations entre deux évènements, comme entre la requête « médicaments contre la grippe » sur Google et le fait d’être malade. Toutefois, ces corrélations, certes indispensables, ne sont qu’une des pierres apportées à l’édifice. Lorsqu’une innovation technologique est à ce point omniprésente et représente une telle révolution, elle ne devrait pas rester une énigme. Le manque de transparence ouvre la porte aux erreurs et aux abus. Plus que quiconque, c’est l’algorithme d’Amazon qui décide quels livres sont lus dans le monde. Ceux de la NSA déterminent qui est un terroriste potentiel et qui ne l’est pas. Les modèles climatiques fixent le taux limite de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les modèles de sélection de valeurs boursières sont les véritables moteurs de l’économie, pas nous. On ne peut contrôler ce que l’on ne comprend pas, c’est pourquoi comprendre l’apprentissage automatique est crucial pour tous, en tant que citoyens, en tant que professionnels, et en tant qu’êtres humains à la recherche du bonheur. Voir http://homes.cs.washington.edu/~pedrod/
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