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Luxembourg

Lancement de l’examen environnemental du Luxembourg

 

Remarques de Mr. Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE

Luxembourg, 31 mars 2010

Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir d'être ici pour présenter le deuxième  par l’OCDE. Il évalue les performances environnementales du Luxembourg sur la période 2000-2009, les réalisations et les défis restant à relever ainsi que 41 recommandations spécifiques.

Depuis que nous avons commencé à travailler sur cet examen, les dimensions de la crise économique et financière sont apparues plus clairement. Après avoir progressé à un rythme annuel de 4% pendant une grande partie de la décennie, l'activité économique a cessé de croître en 2008, et s’est contractée de 3,9% en 2009. Bien que la croissance reprenne en 2010, l'économie luxembourgeoise reste vulnérable en raison de sa forte dépendance aux services financiers et au commerce international. Dans ces circonstances, il serait tentant de dire: "Mettons l'environnement de côté le temps de surmonter la crise financière." Je crois que cela serait une erreur. Je dirais plutôt que pour répondre à la crise, l'environnement doit faire partie d'une stratégie globale pour relancer la croissance économique et restructurer l'économie.

En juin dernier, les ministres de l'Économie, des Finances, du Commerce et des Affaires étrangères de 34 pays se sont réunis à l'OCDE pour répondre à cette question. Ils ont adopté une Déclaration sur la croissance verte. Ce faisant, ils ont convenu d’élaborer un cadre de relance pour instaurer une croissance économique durable, prévenir la détérioration de l'environnement et améliorer la qualité de vie. Ils ont ainsi reconnu que l'environnement n'est plus seulement l’affaire des responsables de la politique environnementale. C’est maintenant un élément central de la politique économique et un moteur de la reprise.

L'environnement ne doit plus être considéré comme un poste de coûts dans le bilan. En effet, des investissements ciblés et des politiques environnementales bien conçues peuvent apporter des avantages économiques importants. Il peut s’agir, par exemple, de développer des compétences pour créer de nouveaux emplois, de nouvelles technologies, d’améliorer la santé des populations ou de rendre les ressources naturelles plus productives.

La mise en œuvre de telles politiques permet à la fois de stimuler l'activité économique à court terme, et aussi d’orienter nos économies vers une croissance plus forte, plus saine et plus juste sur le long terme. C'est pourquoi l'OCDE s’est donné pour priorité de développer une stratégie pour une croissance verte.

À cet égard, je tiens à féliciter le gouvernement du Luxembourg pour ses efforts visant à intégrer l'environnement dans son programme de relance. Les mesures budgétaires engagées représentaient plus de 3% du PIB en 2009, et environ 1,5% du PIB en 2010. Certaines d’entre elles visent à promouvoir une croissance plus verte. Il s’agit de subventions à l’achat de voitures moins polluantes et d’appareils ménagers plus économes en énergie; de mesures visant à promouvoir l'efficacité énergétique et l'utilisation des énergies renouvelables et un soutien supplémentaire pour la R&D liée à l'environnement. Cependant, certaines mesures du paquet de relance comme la construction de routes peuvent clairement avoir des incidences négatives sur l'environnement. Toutes les mesures engagées demandent ainsi à être évaluées du point de vue environnemental et économique.

L’examen environnemental du Luxembourg montre les progrès accomplis concernant l’intégration des politiques économiques et environnementales et la promotion du développement durable. Cela comprend la création d'une Commission interdépartementale, et la préparation d'un deuxième plan de développement durable. Suite aux élections l'an dernier, un nouveau ministère du Développement durable et des infrastructures a été créé. Je pense qu'il n'est pas trop tard pour féliciter Monsieur Wiseler de sa nomination à la tête de ce nouveau ministère qui crée de nouvelles opportunités pour promouvoir un développement plus équilibré.

Monsieur le Ministre, l'une des questions que vous pourriez considérer est le développement d'une vision environnementale à long terme pour orienter et consolider le développement durable au Luxembourg. L'Examen environnemental suggère, dans le contexte de la diversification de l'économie nationale, de renforcer les synergies entre l'environnement et la R&D, la technologie, les exportations, les économies d'énergie et la productivité des ressources. Notre rapport note que, dans certains débats politiques, l'environnement est perçu comme une contrainte au développement économique. Une vision nouvelle de l'environnement montrant comment l'environnement peut stimuler et soutenir l'activité économique permettrait de surmonter ces problèmes. L'expérience française du « Grenelle de l’Environnement » est une source d’inspiration possible pour mobiliser l'opinion publique et l’engager à participer au développement d'une nouvelle vision nationale de l'environnement.

L'Examen environnemental présente également les principaux progrès du Luxembourg depuis le dernier examen, notamment sur la réduction de certains polluants au regard du rythme rapide de croissance économique. Ces progrès ont été soutenus par un renforcement des lois et des institutions environnementales, et par des dépenses environnementales s’élevant en moyenne à un peu plus de 1% du PIB sur les années récentes.

L’examen identifie enfin un certain nombre de défis majeurs nécessitant, pour le Luxembourg, de prendre de nouvelles mesures. Nombre de ces défis sont liés à la localisation du Luxembourg à la croisée des routes d'une région industrielle où le trafic est intense. Chaque jour, plus de 130 000 non-résidents viennent travailler au Luxembourg à partir des pays voisins, surtout en voiture. En conséquence, les infrastructures de transport, le développement résidentiel et l'immobilier commercial ont continué de fragmenter le territoire. Ces facteurs contribuent à expliquer pourquoi, au Luxembourg, les émissions de CO2 et la production de déchets municipaux par habitant sont parmi les plus élevés de l'OCDE.

En ce qui concerne le changement climatique, les émissions de gaz à effet de serre étaient au même niveau en 2007 qu'en 1990. Cependant, sous l’égide du Protocole de Kyoto et au terme de l’accord européen répartissant la charge entre les états membres, le Luxembourg s’était engagé à réduire ses émissions de 28%. Cet objectif ne pourra être atteint par des mesures internes. Les estimations actuelles suggèrent d’ailleurs que le Luxembourg devra dépenser environ 360 millions d'euros pour l'achat de crédits de carbone à l'étranger afin d'atteindre ses objectifs de réduction des émissions.

La principale source des émissions est le transport. Les émissions liées aux transports ont augmenté rapidement au cours de la dernière décennie, en partie à cause de la circulation de transit, mais aussi parce que les prix de l'essence et du diesel sont plus bas au Luxembourg que dans les pays voisins. Les ventes à des non-résidents représentent 75% des ventes de carburant au Luxembourg, y compris à des « touristes à la pompe » qui traversent la frontière pour acheter du carburant pour leurs véhicules. Nous savons qu’il s'agit d'une question sensible au Luxembourg. Néanmoins, nous recommandons que le différentiel de prix du carburant avec les pays voisins soit réduit en augmentant les taxes. Cela permettrait d'encourager les économies d’énergie, de réduire la pollution et de décourager le «tourisme à la pompe ».
S'attaquer aux problèmes environnementaux nécessite généralement une combinaison appropriée d'instruments politiques. Cependant, dans plusieurs domaines, l’adoption d’une approche fondée sur le marché pourrait aider le Luxembourg à relever ses défis environnementaux d'une manière efficiente et efficace.

Premièrement, dans le secteur de l'eau, une meilleure tarification inciterait les ménages, l'industrie et les agriculteurs à utiliser cette ressource plus rationnellement. Cela permettrait également de financer les investissements nécessaires au traitement des eaux usées. Ces mesures sont nécessaires pour améliorer la qualité de l'eau. Au Luxembourg, on estime qu’au moins 40% des eaux de surface ne satisferont pas aux objectifs de qualité chimique et biologique fixés par l’Union européenne pour 2015.

Deuxièmement, j'ai mentionné que la quantité de déchets municipaux produits par habitant est parmi les plus élevées de l'OCDE. Or, seul un tiers de la population paie les services de déchets en fonction de leurs coûts. Le financement de ces services reste à la charge des contribuables via les budgets de l'État et des communes. Le paiement des services de déchets sur une base de recouvrement des coûts devrait être étendu. Cela inciterait les ménages à réduire leur production de déchets et les services de gestion à être plus efficaces.

Troisièmement, le nombre d'espèces menacées au Luxembourg est élevé et le taux d'extinction de certaines espèces est plus élevé que dans les pays voisins. Cela est particulièrement vrai dans le milieu agricole. Les écosystèmes comme les rivières, les lacs et les forêts sont souvent des réservoirs précieux de biodiversité qui fournissent une large gamme de services écologiques. De nombreux pays étudient actuellement les moyens de fixer un prix aux services rendus par les écosystèmes. Une autre approche consiste à lier les paiements aux agriculteurs au maintien de la diversité biologique sur leur terrain. Le Luxembourg devrait examiner la façon dont ces mesures pourraient être appliquées sur son territoire pour enrayer le déclin de la biodiversité.

En conclusion de mon propos, je tiens à mentionner un autre domaine où je crois que le Luxembourg devrait être félicité: il s’agit de son engagement ferme et constant en faveur de la coopération au développement. En 2008, l’aide publique au développement a atteint 0,97% du Revenu National Brut, et pourrait atteindre l'objectif de 1% du RNB en 2010, faisant du Luxembourg l'un des donateurs les plus généreux au monde par rapport à la taille de son économie. Environ 8% de l'aide bilatérale est versée au profit de l'environnement, principalement pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement. Nous espérons que le Luxembourg va maintenir ce niveau élevé de l'aide: de nombreuses personnes dans les pays en développement ont désespérément besoin d'assistance. Nous espérons également que le Luxembourg renforcera son engagement à faire progresser la part environnementale de son programme d'aide, tant en termes de montants alloués que de la qualité de la coopération fournie. La communauté internationale doit tenir les promesses faites à Copenhague en décembre dernier et soutenir un accord post-Kyoto sur le changement climatique. Le Luxembourg est bien placé pour contribuer aux efforts d'atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs,
Examiner les politiques des pays est l'une des fonctions essentielles de l'OCDE, nous le faisons non seulement pour l'environnement mais aussi pour la politique économique, l'aide et l'énergie. L'objectif n'est pas de classer les pays dans un tableau de la ligue. Nous voulons aider les pays à apprendre de l'expérience de chacun et suggérer des moyens pour atteindre leurs objectifs politiques de façon plus efficace et efficiente.

Cet examen environnemental est le résultat d’une coopération et d'un dialogue riche entre le Luxembourg et les autres pays membres de l'OCDE. Je tiens à remercier ceux qui y ont contribué, du gouvernement, des entreprises, des universités et de la société civile. Nous espérons sincèrement qu'il contribuera à faire avancer le débat sur la politique environnementale au Luxembourg, et qu’il vous aidera à relancer une économie plus forte, plus saine et plus juste.

Merci beaucoup.

 

 

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