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Taxer les robots : une solution pour compenser les futures pertes de revenus ?

 

Le développement de l’intelligence artificielle, et des robots en particulier, devrait avoir des conséquences majeures sur le marché du travail. La robotisation n’est plus cantonnée à l’industrie, mais gagne également le secteur des services. Aujourd’hui, les robots peuvent remplacer des avocats, des médecins, des banquiers, des travailleurs sociaux, des infirmiers, voire des artistes. Si leur impact réel sur l’emploi divise encore les économistes, il semble qu’il faille déjà réfléchir à des solutions. De fait, la destruction massive de postes de travail qui semble se profiler pourrait avoir un double effet négatif en termes de fiscalité : d’une part, une perte conséquente de recettes fiscales et de contributions sociales et, d’autre part, des besoins accrus de ressources publiques, en raison du nombre croissant de personnes sans emploi.

 

Plusieurs études ont commencé à se pencher sur le statut juridique des robots. Dans un rapport publié en février 2017, le Parlement européen envisage par exemple la création d’une personnalité juridique qui leur serait propre. Au vu de l’intérêt suscité par cette question, pourquoi ne pas élargir le débat à la fiscalité des robots ?

 

Notre analyse suggère que l’instauration d’une taxe sur l’utilisation des robots pourrait constituer une solution intéressante face aux effets de la robotisation sur le marché du travail. En substance, le fait d’attribuer aux robots une personnalité juridique pourrait donner lieu à l’émergence d’une « capacité contributive électronique », qui devrait être reconnue à des fins fiscales. Après tout, il est arrivé par le passé que des États introduisent de nouvelles formes de personnalité juridique lorsque les circonstances l’exigeaient. On pourrait donc très bien conférer aux robots un statut fiscal spécifique.

 

Pour autant, la taxation des robots soulève des problématiques complexes, à l’échelle nationale comme internationale.

 

Il faudrait d’abord s’entendre sur une définition claire des robots. Le rapport de l’UE propose de s’appuyer sur diverses caractéristiques, telles que l’autonomie, la capacité d’auto-apprentissage et l’adaptation. Nous considérons pour notre part que la forme ne doit pas entrer en ligne de compte (la définition doit couvrir les robots, les bots et autres types de machines faisant appel à l’intelligence artificielle) ; en revanche, l’autonomie devrait être un critère essentiel. Surtout, la définition devrait mettre l’accent sur les incidences des robots sur le travail humain. Et se justifier du point de vue économique, technologique et constitutionnel.

 

Il conviendrait ensuite d’examiner différents types d’imposition. Première piste : taxer les robots en calculant un salaire hypothétique correspondant à ce qu’un être humain aurait perçu pour un travail équivalent. Le revenu théorique équivaudrait alors à l’avantage économique découlant de l’utilisation de robots plutôt que de main-d’œuvre humaine. Autre solution, plus simple : appliquer un montant forfaitaire représentant une approximation de la capacité contributive des robots. Dans un premier temps, la capacité de payer l’impôt serait attribuée à l’employeur ou au propriétaire des robots ; les avancées technologiques devraient par la suite permettre de reconnaître une capacité contributive propre aux robots, qui pourraient, à terme, être soumis aux contributions sociales.

 

Troisième piste intéressante : assujettir les activités des robots à la TVA. À première vue, le principe de neutralité devrait prévaloir. La TVA s’appliquerait alors de la même façon pour des activités comparables, qu’elles soient effectuées par des robots ou des êtres humains. Toutefois, l’évolution de la nature des activités des robots pourrait rendre les comparaisons de plus en plus difficiles, appelant à l’instauration d’une règle spécifique. On pourrait également envisager d’appliquer une taxe (objective) sur les robots eux-mêmes, à l’instar de celles sur les voitures, bateaux ou avions. Cette solution aurait toutefois l’inconvénient de s’appuyer sur une vision dépassée, occultant le lien entre l’utilisation des robots et le remplacement des travailleurs.

 

Une nouvelle idée fait depuis peu son chemin, en faveur d’un système fiscal n’opérant pas de distinction entre robots et travailleurs humains. Certains spécialistes plaident par exemple en faveur d’une « taxe sur l’automatisation », fondée sur le ratio entre le chiffre d’affaires et l’effectif des entreprises. Plus le nombre de robots rapporté au chiffre d’affaires est élevé, plus le montant de la taxe augmente.

 

L’imposition des robots pose des problèmes qui dépassent les frontières nationales et appellent une analyse globale, tenant compte des travaux sur la fiscalité menés à l’échelle internationale par l’OCDE et l’ONU. De fait, l’attribution d’une capacité contributive aux robots exigerait probablement de revoir la mise en œuvre des règles d’imposition des conventions fiscales et des règles de fixation des prix de transfert.

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Références

Parlement européen, Commission des affaires juridiques (2017), Rapport contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique (A8-0005/2017)

Oberson X. (2017), « Taxing Robots ? From the Emergence of an Electronic Ability to Pay on Robots or the Use of Robots », World Tax Journal, 4 avril, (volume 9, n° 2)

Abbott, Ryan et Bret Bogenschneider (2017), Should Robots Pay Taxes ? Tax Policy in the Age of Automation, Université du Surrey, 17 mars

Meisel, W. (2017), The Software Society, Trafford, États-Unis, p. 220

 

Les articles signés expriment l’opinion de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues officielles de l'OCDE et de ses pays membres.

© L'Annuel de l'OCDE 2017

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Xavier Oberson  Université de Genève

© L'Annuel de l'OCDE
2017

 

 

 

 

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