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Direction de la coopération pour le développement

Améliorer les données sur le développement durable, c’est l’affaire de tous

 

Martine Durand, Chef Statisticien et Directrice, Direction des statistiques de l’OCDE


À l’ère des fausses informations et autres faits alternatifs, les statisticiens ont une responsabilité particulière. En tant que dépositaires de la base factuelle nécessaire à l’élaboration des politiques, ils se doivent d’agir pour défendre le droit de tous les citoyens à une information exacte, fiable et accessible.

C’est particulièrement vrai dans le domaine du développement, et encore plus depuis que les dirigeants de pays du monde entier ont adopté, en septembre 2015, le dispositif formidablement ambitieux et de portée universelle que constitue le Programme 2030. Au centre de ce « plan d’action [mondial] pour l’humanité, la planète et la prospérité » se trouvent 17 Objectifs de développement durable (ODD) qui sont « intégrés et indissociables [et] concilient les trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale », l’objectif ultime étant de « ne laisser personne de côté ». Pour atteindre les ODD, il faudra pouvoir faire des choix éclairés lors de la définition des priorités et des stratégies à adopter, et disposer à cette fin d’une base factuelle de meilleure qualité que celle qui existe aujourd’hui.

Cependant, les statisticiens, et surtout ceux des pays en développement, ne peuvent accomplir cette tâche seuls. Ils auront besoin du concours de toutes les composantes de l’administration et de toute la collectivité pour pouvoir élaborer les données et effectuer les analyses requises pour déterminer comment assurer avec efficience la concrétisation des objectifs nationaux et mondiaux convenus. Les ministères des Finances doivent garantir un financement suffisant à moyen terme pour assurer la mise en place de systèmes et d’organismes statistiques nationaux solides, en confiant un rôle de premier plan aux bureaux statistiques nationaux. Les fournisseurs d’aide doivent être prêts à assurer la coordination et le soutien nécessaires pour contribuer à combler les déficits de données grâce à des capacités techniques adaptées. Les administrations centrales doivent veiller à ce que les statisticiens puissent accomplir leur mission sans ingérence de la sphère politique. De plus, la société civile, notamment le secteur privé, doit travailler en partenariat avec les bureaux statistiques nationaux pour leur faire part de ses constats et observations et, lorsque les normes et mécanismes de sauvegarde appropriés sont en place, leur communiquer ses propres données.

Lorsque l’ex-Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, est venu à Paris à la veille du sommet des dirigeants de 2015, Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, a promis que l’Organisation serait le « meilleur soutien » des Nations Unies dans l’effort mondial à déployer en vue de la réalisation des ODD. Depuis, l’OCDE travaille sur plusieurs fronts, afin d’aider le monde à relever le défi de
l’information que pose le Programme 2030.

La première contribution de l’OCDE a consisté à apporter aux Nations Unies un appui direct en leur fournissant des données sur l’ensemble convenu d’indicateurs mondiaux relatifs aux ODD, données qui provenaient tout droit de ses propres ensembles de données ou qui avaient été associées à des données d’autres organismes. De plus, l’Organisation a apporté une contribution aux deux rapports des
Nations Unies (2016 et 2017) sur les progrès de la mise en oeuvre des ODD, et elle participe activement à la mise au point des nouveaux indicateurs requis, mais non encore disponibles, qui ont été identifiés par le Groupe d’experts des Nations Unies et de l’extérieur chargé des indicateurs relatifs aux Objectifs de développement durable.

Une part importante des données que l’OCDE apporte à titre de contribution au suivi des progrès de la mise en oeuvre des ODD provient de sa base de données sur les apports internationaux publics et privés pour le développement. La collecte annuelle de données a débuté en 1961, puis a été progressivement étendue et affinée afin de fournir des informations toujours plus détaillées et précises, allant jusqu’au niveau de l’activité d’aide. Dans le contexte du programme d’action sur le financement du développement adopté à Addis-Abeba en 2015, ces données revêtent une importance capitale pour déterminer si l’aide est dirigée vers les domaines où les besoins sont les plus grands, mettre en évidence ceux qui doivent peut-être faire l’objet d’une meilleure coordination de la part des donneurs, ou comparer les efforts d’aide avec les résultats obtenus en matière de développement.

Par ailleurs, le caractère universel du Programme 2030 confère aux pays de l’OCDE des responsabilités de plus vaste portée. Ceux-ci devraient à la fois donner l’exemple en mettant eux-mêmes en oeuvre le Programme 2030 et faire en sorte que leurs actions contribuent à sa concrétisation dans les autres pays. C’est ce souci qui a inspiré l’approche dans laquelle s’est inscrite l’étude de l’OCDE intitulée Measuring Distance to the SDG Targets, réalisée à l’intention de plusieurs pays membres de l’OCDE ayant sollicité une aide dans la préparation des mesures à prendre sur le plan stratégique et en matière de données pour répondre aux ODD. Cette étude recense les indicateurs pertinents, propose une méthode pour fixer le niveau des cibles à atteindre à l’horizon 2030, et montre comment comparer les
performances d’une cible à l’autre afin de déterminer les priorités pour l’action. Elle met particulièrement l’accent sur les effets transnationaux ou les « retombées ». Plusieurs pays membres de l’OCDE se sont servis de cette étude pour stimuler le dialogue sur les ODD au niveau national, et les comités de l’Organisation la jugent utile pour faciliter l’intégration des ODD dans leurs travaux de fond.

Il y a deux décennies, l’OCDE avait contribué à la conception et à la promotion des Objectifs du millénaire pour le développement, qui ont précédé les ODD, à travers la stratégie qu’elle avait alors publiée sous le titre Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle, ainsi que par la coordination des travaux consacrés par plusieurs organisations à la publication intitulée Un monde meilleur pour tous. Les ODD représentent un défi encore plus grand, surtout en ce qui concerne les données et les observations factuelles. L’OCDE entend jouer pleinement son rôle dans l’action qu’il faudra mener au niveau mondial pour le relever et elle encourage tous les acteurs concernés à en faire autant.

 

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